On achève bien les chevaux ! (2)
Lors de l’IC-CHSCT du 28 octobre le cabinet PROGEXA, mandaté par l’IC CHSCT, a présenté son rapport complémentaire.
SUD FPA a commenté les deux premières parties dans un premier article : « On achève bien les chevaux ». Voici la suite et fin consacrée aux dernières parties du rapport Progexa (3 et 4).
PROGEXA (citations en noir) et commentaires de SUD FPA (en vert)
Partie 3 Poursuite de l’analyse concernant les conséquences de l’organisation retenue en termes opérationnels
P40 Nos investigations ont révélé que cette organisation cible ne repose
pas sur une évaluation de l’existant. Au-delà de l’analyse de la charge de
travail, c’est d’abord une réalité sociale qui est niée : pas de prise en
compte des CDD, ni des salariés en mission, ou encore du dispositif
« itinérants ». Or un simple examen du nombre de CDD révèle combien
leur rôle est structurant actuellement : CDD au 30/09=1313 ; en % du
total = 18,2%
La négation du travail des CDD, des intérimaires et des itinérants est révélatrice du manque de considération pour la réalité du travail.
P42 Cela traduit la volonté de réinitialiser une organisation en grande
partie inconnue des directions. Au final, ce projet correspond à un « reformatage » de l’AFPA, quitte à effacer de la mémoire collective tout un ensemble de compétences
Cela illustre à quel point la direction est dans l’idéologie, son parti pris est de changer le réel qui la dérange, et donc qui n’existe pas, pour y substituer sa représentation idéale, surréelle et fantasmée d’une organisation vue du 25ème étage du Siège.
P44 l’externalisation comme mesure de prévention. La sous-traitance
semble bien souvent poser question par le manque de réactivité et le manque de connaissance des spécificités des métiers internes à l’AFPA.
Précision : la direction est prête à externaliser tout ou partie de la restauration, des services de la DSI et peut-être de la paie !
P45 qu’un grand nombre de réflexions existent déjà, mais par le biais
d’appels d’offres auprès de prestataires externes, notamment les 7 lots qui font suite aux chantiers de Transformation. Ainsi dans le Lot n°6 «Assistance à la transformation RH» il est demandé de «Réfléchir à de
nouvelles modalités d’organisation du travail.
N’est-ce pas pourtant l’objet de la présente procédure?
De fait la direction a déjà acté le passage de l’AFPA à ce que les experts appellent le lean management, en créant deux nouvelles directions, la direction du management de la qualité et la direction réseau, performance opérationnelle et méthodes, dont l’objectif global est de reconfigurer toute l’organisation du travail en « dégraissant » (sens du terme « lean ») et en procédurant tous nos actes métier (accueil, formation, accompagnement,
certification, etc.), ce qui va aboutir à une plus grande sollicitation mentale
et surtout à une moindre autonomie des acteurs de terrain, ce qui va donc
augmenter encore la tension au travail (dont souffre déjà 52 % du personnel selon l’enquête du cabinet Progexa).
P47 si des améliorations de processus,(formation, recrutement,
accompagnement, travail commercial) sont au cœur du projet, les métiers
(formateur, chargé de recrutement, psychologue, ou chargé clientèle par
exemple) sont relativement délaissés, comme si leur modification n’était qu’une conséquence annexe. Dès lors: Comment seront reconfigurés les métiers, en particulier dans les centres, afin qu’ils soient porteurs de sens? Quelle prise en compte des identités métiers existantes ?
Quelle autonomie pour les salariés, et quelle conception du «bon travail»?
Parlons métier ! La direction ne jure que par des améliorations de processus, mais elle est incapable de définir quels sont les métiers nécessaires pour exercer les missions de l’Afpa. Or, les métiers demeurent la base de l’organisation du travail.
P48 Assistantes de formation Une polyvalence «choisie» ?
Rappelons que par rapport à l’effectif de base (mai 2018), 29% des postes d’assistants sourcing sont supprimés, 29% des assistants de gestion et 26% des assistants techniques.
Nous restons sceptiques sur le caractère «volontaire» de ce choix. En effet, les missions étant dévolues au « pool d’AF », toute répartition individuelle impacte la répartition collective.
Le projet ne repose donc que sur l’hypothèse que des assistants doivent élargir leurs prérogatives
SUD FPA aussi est sceptique, en particulier si on tient compte des réductions
d’effectifs par rapport à mai 2018. Chaque assistant(e) qu’elle/il le souhaite
ou non, se verra attribuer le travail résultant du poste supprimé.
SUD FPA voit là une source de tension entre les collègues et de RPS potentiels
Mais la direction n’en a rien à faire « des petites mains ».
Rappelons aussi que les capacités requises pour devenir une bonne assistante technique ou de gestion, un bon assistante sourcing
recrutement et un bonne assistant commerciale sont bien
différenciées, les métiers étant différents, dans leur technicité, leurs
interlocuteurs, leur temporalité.
P49 notre questionnaire a révélé combien le manque de latitude
décisionnelle conduit 67% des assistants à être en situation de «tension au travail »(«job-strain»), les réflexions ne semblent pas aborder les conditions à l’autonomie au travail.
Job strain : tension au travail ; c’est la conjonction de deux facteurs : la forte implication émotionnelle et la faible autonomie décisionnelle.
En fait le risque , c’est que demain, alors que les problèmes d’un travail sans arrêt entrecoupé et d’une absence d’anticipation (liée à une organisation du travail mal pensée depuis des années dans les
centres) ne seront toujours pas résolus, on place les assistants dans une
situation contrainte de suractivité continue, les multiples activités du poste
nécessitant d’aller de pic d’activité en pic d’activité.
Rappelons ce qui est déjà signalé dans le premier rapport de Progexa
mais qui l’était aussi dans les rapports du cabinet ISAST (précédentes
instances de coordination des CHSCT) : des formateurs qui manquent de
moyens d’une manière générale, des entrées décalées sources de problèmes, la difficulté à amener des stagiaires peu ciblés au titre professionnel, les questions de sécurité dans le cas de multi-groupes pour un formateur…
P51 Des modifications des conditions de travail des formateurs qui ne
doivent pas être ignorées
plusieurs effets du projet auront des impacts sur leur organisation et quotidien au travail: est-ce à dire que les alertes formulées par les formateurs concernant leur charge de travail, leurs difficultés……ne peuvent trouver réponse dans le projet de transformation proposée?
Toujours, au risque de nous répéter, l’absence d’évaluation de la charge de travail et des impacts de la réorganisation. C’est quand même la demande du TGI de Bobigny.
P53 Un risque de double organisation
il est probable que l’organisation perdure, en mode dégradé, et se superpose au fonctionnement (et aux moyens) nouvellement prescrit.
En fait, dans un cadre de travail à l’autonomie restreinte, nous serons contraints à une autonomie clandestine puisque pour réaliser le travail (réel), il faudra redoubler d’effort pour échapper à deux couches de prescriptions du travail inopératoires : le résultat risque de se voir dans le
taux d’absentéisme pourtant déjà alarmant (plus de 1000 personnes en arrêt tout au long de l’année) ou dans le désinvestissement professionnel contraint pour sauver sa peau.
P58 le paradoxe qui consiste à placer le centre comme le moteur de l’AFPA
et de ne pas les avoir associés au plan de Transformation. Cette démarche répondrait à une attente d’aborder les questions opérationnelles.
C’est l’animation autour du futur « projet de centre » et les futurs
« ateliers métiers » qui sont censés « faire avancer le schmilblick », soit tout le travail concret – mais selon les objectifs et les modalités pensées par les directions centrales et régionales : à savoir, la mise en œuvre de l’autonomie au sens économique et financier du centre, toute l’élaboration sur les modalités de fonctionnement, l’évaluation des risques (et non pas seulement leur identification) et l’évaluation de la charge de travail.
P59 c’est avant tout la faible «latitude décisionnelle » qui place les salariés en situation de risque de «tension au travail »,
La « tension au travail » est n résultat de l’organisation du travail. Ce risque serait réduit si on prenait en compte l’expression des salariés et des professionnels (« ceux qui savent de quoi ils causent »)
Et ça ne va pas s’arranger puisque la direction de la performance opérationnelle va réfléchir à des programmes « standardisés et industriels »et à des programmes « semi-automatiques », pour « fluidifier, alléger,
harmoniser » alors que nombre de formateurs ou de « conseillers » ont toujours et encore une conception artisanale de leur métier (la pédagogie du geste professionnel , l’activité de conseil, c’est un art).
P61 il convient de contextualiser le débat autour du projet de centre. En
posant la contrainte du Livre II, cela pousse les salariés à accepter la logique de suppression de postes et de donner l’impression que leur participation vise à trouver des réponses à des suppressions de postes injustifiés.
Il revient en quelque sorte aux projets de centre de réaliser la plupart
des engagements formulés depuis un an : analyse de la charge de travail,
définition du rôle de chacun, partage des expériences métiers, retour à l’équilibre budgétaire….
Si l’on accepte un plan qui n’est pas essentiellement fondé du point de vue
économique (exemple : la suppression de dizaines de postes de formateurs
soudeurs, maçons, ADVF…), alors demain n’importe qui peut « y passer » : la direction institue le facteur d’insécurité socio-économique comme modalité du management à l’AFPA, ce qui est difficilement acceptable dans un établissement public. C’est le management par la peur.
Partie 4 Étude de nouvelles modalités de départs et de leurs conséquences sur la santé et les conditions de travail
P64 un objectif de rationalisation de l’effectif cible de 12,22%, mais un impact qui se révèle en réalité beaucoup plus grand, puisque 29% des postes seraient impactés par une suppression ou une modification.
En vrai c’est plus du double de postes impactés qu’annoncé.
P65 A fin septembre 2019, les effectifs étaient de 5 908 salariés, soit 575 de moins qu’en mai 2018. Un tel niveau d’effectif est seulement à 3,7% de l’effectif total cible du projet dans la version présentée en juin 2019. En réalité, dans certaines régions (en rouge dans le tableau), l’effectif est déjà à un niveau inférieur à la cible. En parallèle, l’EIC indique 1 032 intentions de départs externes, ce qui devrait donc conduire très aisément au niveau de la cible. Un tel constat conduit à considérer que l’AFPA n’a pas tant besoin de procéder à des licenciements que réussir un plan de mobilité interne très ambitieux.
Nous considérons même que le chiffre est sous-estimé puisqu’une partie des postes de formateurs (par ex, quand ils évoluent vers l’accompagnement), les postes de MF devenant RF, de DC devenant responsable d’unité d’affaires, du conseil en formation vont changer substantiellement.
P71 Rappelons qu’il ne peut y avoir de volontariat que dans la mesure où
l’alternative proposée au salarié, est, soit de quitter l’entreprise, soit de
conserver son poste. La mise en œuvre de ce Livre pourrait conduire au départ d’un nombre de salariés supérieur à 1 174 mais également supérieur à 1639
Pourquoi la direction n’a-t-elle envisagé qu’un PSE, c’est bien la question politique qu’il faut poser… ; par ailleurs, techniquement, pour parler de mobilité, il faut parler GPEC, or c’est le néant à l’AFPA : s’il y avait une
véritable GPEC, il n’y aurait pas besoin du dispositif AFPA Talent.
P73 La distance géographique, mais également, l’écart entre la nature des
postes ouverts et ceux supprimés, compliquent sérieusement le reclassement…
Il s’agit clairement d’une recherche de réduction de la masse salariale
Le vrai volontariat, c’est de choisir de partir ou non ! Pas de choisir le
moment ! Plus tôt, plus tard , ce n’est qu’accessoire !
P75 c’est entre 50 et 55% des salariés qui auront connu un changement de
poste ou d’environnement de travail (changement hiérarchique ou de centre).
Plus de la moitié des postes sont impactées par le plan de transformation ! et la direction ne se donne pas les outils pour éviter ou limiter les risques (évaluation de la charge de travail…)
P77 L’idée selon laquelle la phase de départs dits volontaires limiterait
les risques sur la santé des salariés est une représentation qu’il nous semble
indispensable de déconstruire.
P79 Le processus de « mobilité interne », constitue un élément
supplémentaire qui va venir perturber le reclassement interne des « salariés licenciables ». Au final, l’objectif de protéger les plus
fragiles en utilisant les critères d’ordre de licenciement pour départager
risque d’être largement altéré.
SUD considère que les postes libérés par les départs volontaires doivent être proposés en priorité aux salariés « licenciables » (dont le poste est supprimé ou dont ils ont refusé la modification). Ce sont des personnes fragilisées. Après, il sera temps d’activer la « mobilité interne » pour ceux qui veulent changer de poste, mais qui sont non impactés par le plan
P80 Des pertes massives en matière de savoir-faire et compétences à
venir qui pourraient générer une « crise organisationnelle » inédite.
La direction en est-elle consciente ? Qu’est-il prévu pour limiter ces pertes
massives ? Et si la direction en est consciente, quel est
l’objectif visé in fine ? Casser les forces vives de l’AFPA qui ont
l’expérience et l’expertise. Pourquoi ? Pour casser la principale poche de
résistance à la privatisation et marchandisation de la formation
professionnelle.