Le comité social et économique central de l’AFPA dit NON au projet de cession de sites d’hébergement à ADOMA (filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations)
La direction veut avancer à marche forcée dans son projet de démantèlement de l’AFPA, de “vente par appartement”, au détriment du personnel et des stagiaires de la formation professionnelle.
Elle soumettait le 15 juillet 2020 à l’avis du comité social et économique central (CSEC) de l’AFPA son projet de cessions de 4 sites d’hébergement (Saint Herblain, Rennes, Stains et Créteil) à Adoma, une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Le CSEC avait demandé le report de cette consultation pour que ses différentes commissions (santé, économique, emploi, avenir de l’AFPA, écologie…) puissent prendre au moins le temps de réaliser une analyse approfondie. Ce d’autant plus qu’une autre consultation du CSEC est prévue sur le schéma pluriannuel de stratégie immobilière de l’AFPA au cours du dernier trimestre de 2020…
La direction a refusé le report de la consultation. Encore une fois elle bricole. Il faut aller vite. La spéculation n’attend pas !
Le résultat de la consultation des élus du CSEC est le suivant :
Comme il fallait s’y attendre, la délégation CFE-CGC a donné un avis favorable au projet de démantèlement de l’AFPA.
La délégation CFDT s’est abstenue.
Les autres délégations (FO, CGT, SUD FPA et STC) ont donné un avis défavorable.
Au final, l’avis du CSEC est donc défavorable.
Les délégations SUD FPA, CGT et STC ont expliqué leur vote dans la déclaration suivante :
Déclaration des délégations CGT, SUD-FPA et STC :
Information-consultation sur le projet Adoma : Rendu d’avis
Lors de ce CSEC du 15 juillet, l’ensemble des élus du CSEC sont consultés sur le projet Adoma et vont donc rendre un avis. Au nom des délégations des élus CGT, SUD-FPA et STC, nous déplorons que la direction n’ait pas accepté la demande des élus de reporter cette consultation. La direction veut mener cette opération au pas de charge. Des intérêts puissants sont donc en jeu !
Ce projet (ou expérimentation) consiste, rappelons le, en la cession de bâtiments d’hébergement situés dans quatre centres AFPA (Créteil, Rennes, St Herblain, Stains).
Les élus des délégations CGT, SUD-FPA et STC ont choisi de rendre leur avis sous la forme de cette déclaration qui comportera deux parties : une centrée sur les aspects humains, la seconde relevant davantage des aspects financiers et juridiques.
Donc, une question essentielle dans ce dossier est la question humaine, quel intérêt cette opération présente-t-elle du point de vue de nos usagers et du point de vue de nos professionnels en première ligne ici, les ASE mais également le personnel d’entretien ?
Premièrement, nous avons compris maintenant qu’il n’y aurait pas de droit de réservation pour les stagiaires de l’AFPA. Le système de cotation des demandes ne permettra pas aux stagiaires AFPA d’être toujours le public prioritaire pour l’hébergement sur le site de formation. Sans même aller plus loin, cela nous suffit à comprendre que cette direction, qui n’hésite pas à faire sans cesse référence à « l’ADN de de l’AFPA », est en train de « bazarder » l’un de ses fondamentaux historiques, la « prestation associée » dont le sens était de concourir à la « sécurisation du parcours de formation » et à sa réussite. Est-ce acceptable, d’autant que ces quatre sites ne sont que la première étape avant une extension nationale ? Et est-ce acceptable pour un établissement dit public ?
Deuxièmement, la direction, au dernier CSE, dit être fière que, grâce à ces cessions, on puisse répondre à la demande sociale et met en avant la qualité améliorée des prestations. Cependant elle ne nous donne pas d’informations précises sur le montant futur des loyers dans ces résidences ADOMA. Elle répond que ce sera « proche de 150 € », somme actuelle qui déjà n’était pas prise en charge par plusieurs conseils régionaux. Quand plus de la moitié de nos bénéficiaires touche tout au plus 652 € par mois pour vivre– dans certains centres, c’est 80 % –, même 10 € de plus pour leur hébergement est un scandale. On note d’ailleurs que la direction ne prend pas la peine de faire des projections sur la base de l’existant de l’indemnisation des bénéficiaires actuels ou pour savoir dans quelle proportion, dans la réalité, nos usagers pourraient bénéficier de l’APL. Sûrement cela est-il incongru, car, ainsi que le pense la direction, « il est trop tôt pour envisager une compensation de l’AFPA, les économies d’un côté ne doivent pas se transformer en dépenses, sinon il n’y aura pas de gain ». Et « il est possible de perdre des stagiaires du fait du coût futur, mais on ne doit pas ignorer le fait qu’aujourd’hui des stagiaires ne viennent pas à l’AFPA à cause de l’hébergement ». En somme, si les gueux n’ont pas de pain, qu’ils achètent de la brioche… ! Est-ce acceptable pour un établissement dit public ? D’autant que ce projet va renforcer les inégalités d’accès sur le territoire à la formation professionnelle, en contradiction avec les missions de l’EPIC AFPA (« contribuer à l’égal accès, sur l’ensemble du territoire, aux services publics de l’emploi et de la formation professionnelle »).
Troisièmement, les délégations CGT SUD FPA STC pose une question qui n’a été qu’effleurée lors de précédent CSEC : comment l’AFPA a-t-elle prévue de faire cohabiter sur un site de formation, dans une proportion très importante, des publics au moins momentanément éloignés d’une problématique de formation, ou tout au moins éloignés du traitement de leur éventuelle problématique de formation, et un public d’apprenants en cours de formation, qui a besoin d’un environnement propice à l’apprentissage ? Les conditions de réussites méritent d’être posées afin de garantir la pleine sécurisation de tousles projets de vie. Mais de cela, nous avons compris qu’il n’est pas question de discuter, il ne manquerait plus que ça, que ceux qui sont au plus proches de nos bénéficiaires sur le terrain commencent à dire ce qu’ils en pensent ! Nous ne savons même pas si et comment serait envisagé une mixité de ces publics, entre stagiaires et autres catégories de public, dans un même studio ou une même chambre et pour les sanitaires et les cuisines. Ni comment serait éventuellement organisé l’accueil de stagiaires de l’AFPA en colocation contrainte (puisque sur les sites de Stains et Créteil, il n’y aura plus d’hébergement possible en chambre individuelle).
Quatrièmement, du point de vue du contenu, de l’organisation du travail et des conditions du travail, en particulier les horaires, la sécurité ou la formation requise, la direction affirme qu’« il n’y aura pas d’impact négatif concernant le personnel en lien avec les activités d’hébergement ». Mais, comme pour ce qui touche à la réalité de la situation de nos usagers, elle ne semble pas bien connaître la réalité du travail des ASE, dont la représentation, pour la direction, serait qu’ils sont « accaparés par la gestion de l’entretien des bâtiments ». Et que signifie concrètement, être « recentrés sur l’accompagnement des publics hébergés », dans la mesure où leur référentiel emploi concerne des stagiaires et non un public beaucoup plus hétérogène ? Ou encore, quelle compatibilité entre « une nouvelle activité de saisie des demandes d’hébergement de nos stagiaires » et toutes leurs autres activités ? Mais, pour la direction, au dernier CSE, le sujet du travail des ASE est hors sujet. Hors sujet et sans impact négatif ! Permettez-nous de ne pas être de cet avis.
Les élus des délégations CGT SUD FPA et STC s’interrogent aussi sur les aspects financiers et juridiques de cette opération, et en particulier sur le choix du partenaire, Adoma. La direction a confirmé lors de la réunion de la commission économique qu’il n’y a pas eu de consultation officielle de marché public puisque (nous citons) «Nous (L’AFPA) n’en sommes pas juridiquement contraint » et qu’il s’agissait pour cette expérimentation d’un partenariat exclusif. Drôle de partenariat quand même où si les partenaires sont réputés égaux, l’un est plus égal que l’autre puisque c’est « Adoma qui a choisi les sites car ils répondent à leur besoins du moment » (toujours dans le compte rendu de la commission Eco). En bref, Adoma fait son marché et choisit les sites qui l’intéresse comme à Rennes par exemple où l’AFPA lui fait la courte échelle dans une ville où la structure n’est pas implantée. Pour les autres centres (ceux qui intéressent moins Adoma, sans doute car placés dans des endroits où la pression immobilière est moins forte), il faudra trouver une autre solution…A suivre donc,
Les relations entre Adoma, la caisse des Dépôts, la maison-mère d’Adoma via CDC-Habitat, et l’AFPA sont de fait au cours de ces dernières années de plus en plus étroites comme le rappelle la direction lorsqu‘elle mentionne en commission Economique l’action Axel, c’est-à-dire un accompagnement des bénéficiaires Adoma par l’AFPA. Il ne faut aussi oublier, non plus, que c’est aussi la Banque des Territoires, une direction de la Caisse des dépôts qui accompagne (ou doit-on-dire « finance » ?) l’AFPA dans le « Village de l’AFPA » qui consiste à transformer les centres de formation en tiers-lieux de l’insertion professionnelle et sociale. Nous ne pouvons que nous interroger sur la concomitance des ces partenariats et l’existence d’un accord tacite plus global que cette simple expérimentation sur 4 centres (du style « tu finances AFPA Village ; je te cède les centres qui t’intéressent »)
En tout cas, ainsi que relaté par Mediapart en 2014, qui pointait déjà l’accord-cadre signé un an plus tôt par l’AFPA et ADOMA, la cession de nos centres permettrait à ADOMA de réaliser de substantielles plus-values, dans une course à la privatisation et à la marchandisation du secteur du logement social (les centres AFPA, comme les centres ADOMA qui, dans les années 60, étaient à la périphérie, ont été absorbés, après des décennies d’urbanisation, par les villes concernées). Et dans un contexte de financement de l’opération assuré essentiellement par la collectivité publique et des emprunts à conditions préférentielles…
Pour les délégations CGT SUD FPA et STC, il y a dans ce partenariat un invité invisible et qui est pourtant omniprésent. C’est bien l’Etat et la puissance publique qui est à la manœuvre dans cette opération. Le même Etat qui nomme par décret à la fois la directrice générale de l’AFPA et le directeur général d’Adoma. L’Etat qui est même le second actionnaire d’Adoma (42% du capital), après CDC Habitat qui en contrôle 56%. C’est un véritable tour de passe-passe où la main gauche reprend ce que la main droite lui cède. Nous avons entendu en séance plénière comme en commission que l’état général des hébergements en justifiait la cession à un opérateur dont c’était le métier. Mais il y a lieu de s’interroger aussi sur ce qui a rendu possible cet état dégradé. Comment passer sous silence le manque de financement chronique de la maintenance (ne parlons pas d’investissements) de ces hébergements par les autorités publiques, aussi bien lorsque l’AFPA était une association, que depuis la création de l’Epic et de la dévolution des centres ? Ainsi, l’Etat devient capable d’investir à travers Adoma et la CDC alors qu’il ne l’a pas fait pour l’AFPA, ce qui pourrait démontrer un manque de confiance dans l’Association/Agence et/ou ses dirigeants.
Tout se passe comme si les autorités de tutelle avaient décidé de commencer la vente à la découpe ou par appartement de l’AFPA en commençant par les hébergements. Il est clair que nous nous y opposons totalement. Les délégations CGT SUD FPA et STC se posent aussi des questions sur la suite car si comme le précise la direction en commission Economique « il n’y a pas de discussion sur d’autres sites pour le moment », « l’idée est de continuer ». Continuer jusqu’à où ? Certes, « 132 cessions, c’est beaucoup » nous dit-on, mais quel est l’objectif du nombre de cessions ? 40 ? 60 ?80 ?
Nous sommes ainsi mis dans l’ignorance des vraies raisons de ces 4 premières cessions. Pourquoi l’Etat n’a-t-il pas recours à la subvention d’investissement ? L’Union Européenne ? Les hébergements rénovés pourraient servir à l’ensemble des stagiaires de la formation professionnelle, qu’ils soient formés à l’AFPA ou non. Une des missions de service public de l’AFPA définie dans l’ordonnance créant l’Epic est justement de contribuer à l’égal accès à la formation.
Une étude des besoins d’hébergement des stagiaires en formation et des apprentis a-t-elle été menée sur le plan national et régional ?
Et s’il faut recourir à l’expertise de la CDC Habitat, une simple convention de gestion suffirait amplement.
Puisqu’il s’agit d’une expérimentation, nous demandons à ce que l’AFPA nous informe dès à présent sur les critères retenus pour décider que l’expérimentation aura réussi ou au contraire échoué, qu’il faut la continuer ou non, avec Adoma ou non.
Nous resterons donc attentifs à l’évolution de cette expérimentation et de ses développements ultérieurs en particulier, en termes de nombre centres cédés mais aussi de service rendu aux stagiaires et de contenu du travail des ASE comme l’a d’ailleurs souligné la première partie de cette déclaration.
Nous demandons à ce que le CSEC soit régulièrement informé sur l’état d’avancement de cette expérimentation nationale, au-delà de l’information propre de chacun des CSEE concernés.
En conclusion, reprenant à la fois les aspects humains, qu’il s’agisse des stagiaires ou des professionnels de l’AFPA, ou bien des aspects financiers et juridiques, les délégations CGT SUD FPA et STC, consultées en ce jour, donnent un avis défavorable au projet Adoma.
21 juillet 2020 11:45