Adoption de l’article 22 le 28 mai 2015 en 1ère lecture
Débats
M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 22.
La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton. Avec 140 000 stagiaire par an, dont 58 % sont demandeurs d’emploi, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, est un acteur majeur de la formation professionnelle et de l’insertion des demandeurs d’emploi et des salariés en France.
Pour ce qui me concerne, je suis très favorable à cet article 22, qui permettra de remédier à la situation dans laquelle se trouve l’AFPA depuis ces dernières années, fragilisée par une profonde évolution de son modèle économique due à la décentralisation et à l’ouverture à la concurrence de la demande publique en matière de formation professionnelle des demandeurs d’emploi.
En effet, l’AFPA doit, depuis ces dernières années, répondre à des appels d’offre souvent passés par les conseils régionaux. Il arrive que du fait de la concurrence d’autres organismes elle perde certaines formations dans lesquelles elle était spécialisée et pour lesquelles elle disposait d’un matériel très coûteux ainsi que de personnels extrêmement qualifiés qui de ce fait se retrouvent du jour au lendemain sans activité faute d’être transférables sur d’autres formations. C’est le cas dans ma circonscription de Saint-Malo, où l’AFPA est très performante, dotée d’ateliers très bien équipés et de formateurs hautement qualifiés.
Cet article permettra de traiter de tout ce qui relève des missions de service public de l’AFPA. Il permettra à l’État de confier à l’AFPA des missions spécifiques, notamment sur les formations très spécialisées, où la concurrence ne joue pas.
Enfin cet article permettra aussi à l’AFPA de mettre en place des formations à destination des publics les plus éloignés de l’emploi, qui nécessitent un accompagnement renforcé. Je pense notamment aux personnes handicapées, qui rencontrent encore trop de difficultés à intégrer les entreprises.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai, pour ce qui me concerne, l’article 22.
M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé.
Mme Monique Orphé. Je voudrais appeler l’attention de M. le ministre sur un problème qui se pose dans mon département : le financement de la formation professionnelle dans le cadre des contrats aidés.
Au préalable, je rappelle que, pour tout projet de loi, nous faisons des études d’impact. Or, très souvent, ces études s’arrêtent au territoire métropolitain : les territoires éloignés, les territoires ultramarins en sont exclus. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises s’agissant des études nationales menées sur des sujets censés nous concerner. Au mieux nous y trouvons les conditions juridiques d’applicabilité aux départements ultramarins.
Or, monsieur le ministre, vous le savez, nos départements, du fait de l’éloignement, ont des problématiques propres, complètement différentes de ce que peuvent connaître les territoires métropolitains.
Tout cela pour vous dire que les lois que vous écrivez, même les plus belles et les mieux intentionnées, peuvent poser des difficultés d’application.
Les contrats aidés, en raison du chômage massif, et les contrats « Nouvelle chance » peuvent représenter une belle opportunité pour les demandeurs d’emploi d’outre-mer, notamment à La Réunion. Ils mettent l’accent sur la formation, mais à quoi cela sert-il si nous n’avons pas les moyens de financer cette formation ?
C’est ce qui se passe avec les contrats aidés qui, aujourd’hui, ne peuvent pas bénéficier des financements en raison de la nouvelle réforme sur la formation professionnelle.
M. Gérard Cherpion. C’est vrai.
Mme Monique Orphé. J’aurai l’occasion, monsieur le ministre, de vous proposer tout à l’heure un amendement pour aborder ce problème et surtout lui apporter, si possible, une solution.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Puisque nous parlons de l’AFPA, il faudrait tout de même rappeler tout ce que le Gouvernement a fait, depuis l’été 2012, et je voudrais saluer le travail réalisé par Thierry Repentin en son temps, quand il était ministre délégué à la formation professionnelle et à l’apprentissage.
Mme Isabelle Le Callennec. Ce fut trop court !
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le 13 décembre 2012, à Toulouse, ville que je connais bien, il avait prononcé un discours devant les personnels de l’AFPA. Il avait rappelé les actions de consolidation de l’association conduites dès l’été 2012, dès l’arrivée de cette majorité au pouvoir, notamment la consolidation du pool bancaire et le versement d’une subvention d’investissement de 20 millions d’euros. Il avait rappelé les vingt-deux conventions régionales qui avaient été signées entre Pôle Emploi et l’AFPA pour faciliter l’orientation des demandeurs d’emploi : je tenais à le souligner. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Mme Isabelle Le Callennec. L’Association pour la formation professionnelle des adultes compte 8 500 salariés qui forment chaque année, comme l’a rappelé notre collègue Lurton, 140 000 stagiaires.
Cet article vise à transformer l’AFPA en établissement public industriel et commercial. On peut imaginer la motivation pour venir en aide financièrement à l’AFPA qui a traversé et traverse toujours de graves difficultés, du fait d’une concurrence très forte au niveau des offres de formation.
En 2012, l’AFPA avait frôlé la cessation de paiement. En 2014, elle accusait toujours un déficit de 22 millions d’euros.
Auparavant, l’AFPA bénéficiait il est vrai d’un traitement particulier sur le marché de la formation, pour la commande publique notamment. C’est désormais terminé. Le changement de statut ne suffira certainement pas à pérenniser l’AFPA, mais chacun sait qu’une réforme en profondeur reste nécessaire.
Le Gouvernement va procéder par ordonnances pour définir le service public de l’AFPA. Quelle définition donner à cette notion de service public qui va modifier les règles de concurrence sur nos territoires ? Aujourd’hui, il me semble que l’activité de l’AFPA est à 80 % dans le secteur concurrentiel et à 20 % dans le secteur dit « Missions de service public ».
Il y a notamment, monsieur le ministre, dans ce que j’ai pu entendre, la « formation des personnes éloignées de l’emploi ». Est-ce à dire qu’on va spécialiser l’AFPA, voire lui donner l’exclusivité de ces publics-là ?
Je rejoins notre présidente de la commission : moi aussi je regrette que nous n’ayons plus de délégué à la formation professionnelle dans le Gouvernement.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je n’ai pas dit cela.
Mme Isabelle Le Callennec. Vous avez rendu hommage à un délégué à la formation professionnelle.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’est pas mort, vous savez !
M. Christophe Sirugue, rapporteur. Et il était ministre délégué !
Mme Isabelle Le Callennec. Quand on voit le travail qui reste à faire dans ce domaine-là, je pense qu’il faut davantage se pencher sur cette question que sur le compte personnel d’activité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Je rassure Mme Le Callennec, M. Repentin était ministre délégué. Quant au délégué, il y en a toujours un : c’est Mme Wargon qui est déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle.
Moi aussi, je me félicite que le Gouvernement se propose de franchir le pas, ce qui était attendu depuis des années, pour aller vers une reconnaissance de l’AFPA en tant que service public de la formation. En revanche, je vais être plus critique. La majorité précédente, monsieur Lurton, madame Le Callennec, par une lecture abusive, excessive – pour être gentil – de la directive « Services », a fragilisé l’AFPA jusqu’à mettre en péril son existence, en ne voulant pas reconnaître, justement, un service public de la formation.
Je rappelle les éléments. La subvention de l’AFPA est passée de 700 millions à 80 millions. Il y a eu une réduction d’effectifs d’environ 2 000 personnes. Un amendement déposé nuitamment a fait passer les services psychologiques de l’AFPA à Pôle Emploi, sans prévenir personne. Il apparaît que l’AFPA n’a même plus les moyens d’entretenir son patrimoine. Enfin, comme l’ensemble des formations, celles de l’AFPA doivent répondre aux appels d’offres des régions.
Nous avons un appareil de formation excellent, mais qui n’était pas prêt à affronter brutalement la concurrence. Bref, on se dirigeait vers un démembrement, pour ne pas dire « une vente à la découpe » : c’est cela qui était programmé.
Heureusement, il y a eu l’arrivée du nouveau président, M. Yves Barou, qui a redressé la barre.
Mme Marie-Christine Dalloz. Zorro est arrivé !
M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Il y a eu aussi Thierry Repentin, et Jean-Marc Ayrault qui s’est efforcé, par des prêts et des aides, de trouver 200 millions pour éviter une issue fatale à l’AFPA.
Mais nous n’avions pas trouvé de solution à la question du patrimoine, ni résolu le problème des quarante-cinq formations à caractère national qui disposent de plateaux techniques de qualité.
La création d’un EPIC, avec j’imagine l’octroi de droits spéciaux, va permettre de créer un service d’intérêt général. C’est une lecture différente de la directive « Services » – je l’avais indiqué dans des rapports à plusieurs reprises – qui permet de dire que pour les publics en difficulté, en insertion, mais au premier niveau de qualification, vous pouvez recourir à ces services d’intérêt général.
L’autre partie relèvera de la concurrence et du privé : c’est le schéma que propose le Gouvernement et il me paraît excellent.
Mme Isabelle Le Callennec. Par ordonnances !
M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis. Il y a urgence.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.
M. Arnaud Richard. Je voudrais remercier Jean-Patrick Gille pour la mansuétude avec laquelle il a parlé de ce qui avait été fait sous la précédente législature concernant l’AFPA. Effectivement, nous n’avons pas tout très bien fait et trouver un cap nouveau pour l’AFPA est une bonne chose. Jusqu’à présent, nous avions tout de même un organisme qui était en train de mourir de sa belle mort. Retrouver du sens et retrouver un cap en changeant de statut et en devenant un opérateur aux côtés de Pôle Emploi est plutôt positif.
Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Merci, monsieur Richard.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Moi aussi, je rejoins Jean-Patrick Gille. Il y a une continuité dans l’action. Si celle de Thierry Repentin et de Jean-Marc Ayrault méritent d’être saluée, cette action se poursuit. Avec Yves Barou, des solutions ont été proposées et le Gouvernement les met en œuvre.
Il s’agit de créer un établissement public qui permette de faire le distinguo tout en maintenant l’aide financière. Je rappelle que 200 millions ont été affectés à l’AFPA ; il reste encore 40 millions à trouver. Tout n’est pas résolu, mais la création de l’EPIC permet de traiter l’un des problèmes majeurs qui s’étaient posés : la dévolution des actifs immobiliers de l’État occupés par l’AFPA, qui constituaient une gêne pour son activité concurrentielle.
Je ne veux pas entrer dans une polémique : si tout le monde se reconnaît dans l’action qui a été conduite, tant mieux. On peut le dire toutefois : les gouvernements de gauche successifs ont sauvé l’AFPA qui était en voie de démembrement en septembre 2012. Tant mieux si tout le monde en profite : il s’agit d’une vraie mission de service public de formation, cela a été rappelé.
Il faut tout de même se dire que ce n’est pas encore terminé. Par delà les missions de service public que nous sommes parvenus à définir assez précisément pour les demandeurs d’emploi de longue durée qui ont besoin de formations spécifiques, et aussi pour des formations très pointues faisant appel à des chercheurs de qualité, il reste que l’AFPA doit aussi faire face à un secteur concurrentiel. Il ne faut donc pas considérer que c’est gagné : l’AFPA doit continuer à se réformer et à entrer dans le secteur concurrentiel.
Nous avançons. Ce changement de statut a été bien perçu. je l’ai présenté au conseil d’administration il y a environ trois semaines.
Il est bien que tout le monde s’y retrouve, sur tous ces bancs. Pour annoncer des mauvaises nouvelles, on est champion dans ce pays, mais quand il y a de bonnes nouvelles, elles ne font que quelques lignes dans les journaux.
Si nous pouvons faire savoir que l’AFPA est sur la bonne voie et qu’elle retrouve sa place grâce à l’action que nous menons, eh bien nous en serons je l’espère tous satisfaits.
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, pour soutenir l’amendement no 695.
M. Michel Liebgott. L’AFPA conserve une image très positive. Il s’agit de conforter cet article, qui indique que l’AFPA participe à la formation des personnes les plus éloignées de l’emploi, en précisant qu’elle s’intéresse aussi à leur qualification, sachant que 80 % des stagiaires acquièrent un titre valable et que 60 % trouvent un emploi, ce qui est un taux particulièrement élevé.
(L’amendement no 695, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 22, amendé, est adopté.)
Texte adopté :
Article 22
I. – Le titre I er du livre III de la cinquième partie du code du travail est
complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« Association nationale pour la formation professionnelle des adultes « Art. L. 5315-1. – L’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, dans le cadre de sa mission de service public pour l’emploi, participe à la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l’emploi et contribue à leur insertion professionnelle.Elle contribue à la politique de certification menée par le ministre chargé de l’emploi. Elle contribue à l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers. »
II (nouveau). – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance,dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour :
1° Procéder à la création d’un établissement public industriel et commercial visant à exercer les missions actuellement assurées par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes et préciser les missions exercées par cet établissement, notamment ses missions de service public ;2° Définir les conditions de dévolution d’actifs immobiliers de l’État à cet établissement ;3° Préciser les conditions du transfert des biens, droits et obligations de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes àcet établissement.
Le projet de loi de ratification de l’ordonnance doit être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l’ordonnance.
29 mai 2015 12:48