Courrier de l’intersyndicale AFPA au 1er Ministre

Objet : Demande de rencontre sur la transformation et le développement de l’activité de l’AFPA.

Monsieur le Premier Ministre,

Dans le contexte de la transformation de l’AFPA en un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) avec une filiale, les salariés de l’AFPA restent extrêmement préoccupés quant au devenir de la formation professionnelle et à la pérennité de leurs emplois.

En l’absence de visibilité du niveau d’activité pour les quatre exercices à venir (2017 à 2020) et face aux demandes de la Cour des Comptes, de Madame la Déléguée Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle et de Madame la Secrétaire d’État à la Formation Professionnelle de « redéfinition du modèle économique de l’AFPA », les organisations syndicales de l’AFPA et les salariés qu’elles représentent ont clairement identifié que la seule réponse rationnelle est le redéveloppement de l’activité. Cela nous paraît d’autant plus justifié au regard des enjeux des missions de service public assignées à l’AFPA par la loi Rebsamen du 17 août 2015 et du nombre de demandeurs d’emplois croissant, en particulier les plus éloignés de l’emploi (longue durée, jeunes sans qualification, femmes souhaitant reprendre une activité professionnelle, seniors, etc.), ainsi que pour répondre à l’ambition du redressement productif de .la France, de son développement durable et à la transition écologique.

Mais, aujourd’hui, la seule stratégie perceptible mise en œuvre par la Direction Générale sous la présidence d’Yves Barou, c’est la poursuite de la suppression des emplois CDI. Ceci exprime indubitablement que l’activité de l’AFPA est appelée à régresser à nouveau après l’effet conjoncturel du plan 500.000 formations supplémentaires ou qu’à le moins rien de structurant n’est engagé pour développer l’activité sur les moyen et long termes pour le futur EPIC.

 

Les salariés constatent bien au quotidien, en région, sur le terrain, les effets délétères de la mise en concurrence sur des programmes régionaux de formations professionnelles notamment qualifiantes qui fluctuent au gré des exercices, en fonction des bassins d’emplois, des Présidents de Région et avec des programmations de sessions trop étalées dans le temps pour assurer une continuité de service et d’activité.

De même, les modalités de financement ne permettent plus d’adapter au plus près des besoins, les prestations de formations et les services associés nécessaires à la réussite des stagiaires, faute de moyens et de financements.

Enfin, les récentes modifications des textes, ordonnance et décret, prochainement soumis au Conseil d’Etat, concédées sous la pression des Présidents de Région, nous semblent préparer un potentiel éclatement de l’AFPA en 13 établissements publics régionaux (au sein d’un service public régional de l’emploi et de la formation régional ?) et la disparition de la cohérence avec les missions d’intérêt national qui ne trouveraient refuge qu’au sein d’un EPIC centralisé et déconnecté du terrain. Le Président du Sénat n’a-t’il pas évoqué le transfert de la compétence Emploi aux Régions lors du dernier congrès de l’ARF à Reims ?

Le nouveau projet d’ordonnance (L5315-2) relègue la formation des demandeurs d’emploi, qui est pourtant la mission principale de l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes, dans une catégorie désignée de «complément normal» qui serait une catégorie d’activité annexe à sa mission de service public.

La lecture du Projet de Loi de Finances pour 2017 vient renforcer la crainte que l’Etat se désengage bientôt totalement de la formation professionnelle. La compensation des missions de service public ne s’élève qu’à 110 M€ et l’AFPA devrait s’engager «dans une stratégie pluriannuelle de baisse des charges» et «faire la preuve de la qualité et de la pertinence de son offre au regard des acheteurs de formation», la quadrature du cercle en quelque sorte.

C’est oublier que l’AFPA est engagée depuis plus de 10 ans, comme dit ci-avant, dans une stratégie de baisse de charges et d’effectifs et que cette spirale déflationniste l’a presque conduite au dépôt de bilan.

Par ailleurs si les régions sont aujourd’hui capables d’être des «acheteurs de formation» en recherche d’une «offre pertinente et de qualité», c’est sur la base des budgets antérieurement dédiés à l’AFPA et grâce à la structuration d’un appareil de formation voulu par l’Etat depuis 70 ans, et construit en grande partie par l’AFPA, son bras droit. L’Etat se doit de continuer ces efforts pour la formation professionnelle, dont il reste constitutionnellement responsable. Et les régions doivent faire la preuve qu’elles savent utiliser rationnellement l’AFPA. Jamais 13 politiques de formation «régionalistes» ne feront une politique nationale.

Au 1er janvier 2017, l’Etat aura dissout une association de 70 ans et deviendra l’employeur de près de 8°000 salariés. Ces salariés veulent continuer à servir leurs concitoyens par des activités pérennes de missions de service public.

En clair, les organisations syndicales et les salariés de l’AFPA attendent les mesures et engagements qui permettraient la pérennisation du futur EPIC national à des niveaux d’activité et de qualité de service comparables à ceux des années 2010 où l’AFPA recevait plus de 100.000 demandeurs par an (jusqu’à 120.000 en 2007 et 2008) et seulement moins de 70.000 en 2015, et que cela semble la cible pour 2018 et après !

Une agence AFPA nationale, même EPIC, ne sera économiquement viable à moyen terme sans un redressement substantiel de son activité, au regard de ses missions nationales et services centraux nécessaires et des besoins nationaux en formation professionnelle qualifiante des adultes.

Les organisations syndicales de l’AFPA attendent de votre part et de votre gouvernement :

  • des engagements sur les perspectives d’un développement de l’activité de l’AFPA, dans sa politique de lutte contre le chômage, pour un redressement productif et le développement économique durable et la transition écologique, notamment des certitudes quant à l’engagement pérenne de programmes nationaux de formation d’envergure,

  • une réécriture de l’ordonnance afin que la formation et la qualification des demandeurs d’emploi soit expressément désignée comme la mission principale de l’AFPA.

C’est pourquoi, en ce moment grave de la vie de l’AFPA, les organisations syndicales sollicitent de façon solennelle une rencontre, pour échanger avec vous sur les conditions d’une nouvelle espérance pour cette institution qui nous est si chère, au service des usagers potentiellement si nombreux.

Espérant que vous répondrez favorablement à notre demande, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.

10 octobre 2016 10:38 Publié par