Air France : la CFE-CGC se bat… contre l’augmentation des salaires
On a les mêmes à l’AFPA…Voilà ce dont ils sont capables…
Air France: la CFE-CGC se bat… contre l’augmentation des salaires
Le syndicat CFE-CGC qui demande expressément à Air France de ne pas augmenter les salaires, à deux jours de l’ouverture des négociations avec la direction, cela a de quoi interloquer les syndicats réunis en intersyndicale. Cette affaire baroque, dévoilée par Mediapart, est symptomatique du climat social au sein de la compagnie aérienne.
Mercredi 17 octobre, les syndicats d’Air France sont invités à venir négocier une possible augmentation des salaires, première éclaircie possible après une grève dure menée au printemps dernier qui a mis les avions à l’arrêt pendant quinze jours et fait perdre 335 millions d’euros à la compagnie. Vu les relations plus que fraîches entretenues jusqu’ici par la majorité des syndicats et la direction, l’enjeu semble majeur.
La CFE-CGC, première force syndicale de la compagnie française, a annoncé la couleur dans un message envoyé au nouveau PDG, le Canadien Benjamin Smith, message que Mediapart a pu consulter. Sa position est pour le moins surprenante. Surtout concernant l’augmentation des salaires : « ne pas donner raison à l’intersyndicale par un quelconque geste », écrit ce syndicat. Et si geste il y a, prière d’attendre « la fin de l’année », pour ne pas « mettre en péril les syndicats responsables comme le nôtre… ». Dans le cas contraire, « notre syndicat ne sera plus là pour vous accompagner », menace Bernard Garbiso, secrétaire général de la CFE-CGC à Air France.
Quelle mouche a donc piqué ce syndicat, pour en venir à réclamer de ne pas augmenter les salaires ? « Il y a des raisons liées à la stratégie de l’entreprise, répond Bernard Garbiso, interrogé par téléphone. On ne peut pas augmenter les salaires au niveau demandé par l’intersyndicale alors que l’on a déjà connu des pertes énormes à cause de la grève cette année. » Grève menée justement… pour des augmentations de salaires, gelés depuis 2012 au sein d’Air France.
Le syndicat défend aussi avoir voulu « informer du contexte » Benjamin Smith, choisi à la fin de l’été pour remplacer Jean-Marc Janaillac, parti après une consultation des salariés en mai dernier. Cette consultation, rejetée par plus de 55 % des salariés, proposait 2 % d’augmentation de salaire pour tous en 2018, puis 5 % au cours des trois années suivantes.
La CFE-CGC, tout comme la CFDT, avait soutenu cet accord et vivement critiqué les quinze jours de grève menés entre février et mai 2018. A contrario, l’intersyndicale, composée notamment de la CGT, de FO et du syndicat de pilotes SNPL, plaidait à l’époque pour une augmentation de 6 % des salaires, en guise de « rattrapage » de l’inflation sur quatre ans.
« Nous n’étions pas au courant de ce courrier, mais je ne suis pas surpris, commente Yannick Floc’h, vice-président du SNPL. Si nous réussissons à trouver un accord mercredi, cela veut dire que la direction désavoue un partenaire de toujours. En gros, c’est comme si la direction acceptait de construire une maison à 100 000 euros, alors que quelqu’un se propose de la construire pour 50 000… Mais pour un syndicat qui prétend défendre les salariés, c’est choquant. »
La CGT n’en revient pas non plus. « Pour moi, c’est un non-respect de ce que les salariés vivent depuis des mois et assez révélateur des magouilles qui peuvent exister entre les syndicats et la direction à Air France, estime Karine Monségu de la CGT. Ce syndicat semble avoir peur, en cas d’accord, d’en payer le prix aux prochaines élections professionnelles, et demande donc de l’aide au PDG, le suppliant de ne pas céder à nos revendications. C’est choquant. »
Les élections professionnelles au sein de la compagnie auront en effet lieu en décembre pour les pilotes, et au printemps prochain pour les autres catégories de personnel à Air France. Dans son courrier, Bernard Garbiso insiste effectivement sur le calendrier : « Pour les personnels que nous représentons, la négociation sur les salaires devrait se faire lors de la NAO [négociation annuelle obligatoire – ndlr] 2019, sans revenir sur le passif de l’intersyndicale. » À ce moment-là, le syndicat accepterait le principe d’une augmentation de 2,5 %, fondée sur l’inflation 2018, quand ses adversaires réunis en intersyndicale plaident pour une hausse générale de 5,1 % des salaires.
Le syndicat CFE-CGC balaye ces critiques d’un revers de main, remettant en cause la légitimité de l’intersyndicale Air France, qui associe neuf syndicats représentatifs et non représentatifs, des syndicats de personnel au sol et des syndicats de pilotes, aux intérêts parfois discordants. Un reproche adressé de manière récurrente au mouvement ce printemps.
« Je ne suis pas là pour perdre la face ou la gagner, nous sommes là pour représenter des gens qui nous font confiance, insiste Bernard Garbiso, qui assume sa différence avec les « jusque-boutistes ». On peut nous traiter de “syndicats des patrons”, mais notre objectif, c’est de capitaliser pour que l’entreprise avance, et se développe, pour le bien de tous. » Quant à la menace à peine voilée, contenue dans le message, de ne plus « accompagner la direction » si elle cède, Bernard Garbiso ne se démonte pas davantage : « Il s’agit d’une conversation privée entre la direction et un syndicat, qui n’a pas vocation à être diffusée. Malheureusement, à Air France, tout se retrouve sur la place publique et tout le monde a un avis sur la manière de sauver cette compagnie aérienne. »
Le responsable concède cependant des erreurs, notamment sur l’accord salarial signé en février 2018 par la CGC et la CFDT, qui prévoyait 0,6 % d’augmentation au 1er avril 2018 et 0,4 % au 1er octobre 2018. « Nous nous sommes fourvoyés sur l’ancienne direction, ils auraient pu donner plus. Résultat, nous avons eu une grève… Ce que nous voulons dire au nouveau PDG, c’est qu’il est dangereux, pour vouloir faire plaisir à certains, de céder maintenant. »
La direction, la semaine dernière, laissait entendre qu’elle pourrait concéder 2 % d’augmentation rétroactive pour 2018, et à nouveau 2 % d’augmentation pour 2019. Néanmoins, cela ne permet pas de couvrir l’inflation, annoncée à la hausse. Si aucun terrain d’entente n’est trouvé cette semaine, le conflit pourrait donc repartir. Dans un climat syndical toujours à couteaux tirés.
17 octobre 2018 8:29