Changement de cavalier, mais toujours la même danse.
Trop de changement tue le changement.
Le Président de la République vient de désigner un nouveau Premier ministre, et un nouveau gouvernement vient d’être installé. L’actuel Président s’était fait élire notamment sur deux slogans
« « J’ai un ennemi, c’est la finance » » , et « « Le changement, c’est maintenant . ». Depuis mai 2012 nous avons déjà largement constaté que son propos sur la finance n’était qu’un attrape-mouche, et
donc que, pour le changement, on pourrait repasser. Le discours a été rendu conforme à la pratique le 31 décembre 2013, lors des vœux du Président au pays. Et lors de sa conférence de presse du 14 janvier
2014, il a expliqué aux Français que les milliards d’euros supplémentaires octroyés aux entreprises, et à leurs actionnaires, seraient bons pour la France. Après le recul enregistré aux élections municipales, pour bien nous montrer que nous sommes toujours en démocratie, le Président accélère dans le changement, en changeant le Premier ministre. Et lors de la présentation de sa feuille de route devant l’Assemblée Nationale, le nouveau premier ministre a bien démontré qu’il n’y aurait pas changement de politique mais seulement changement de style.
On ne change pas une politique qui gagne.
Depuis maintenant une trentaine d’années, l’idéologie qui met la finance et la propriété au-dessus de tout triomphe progressivement dans tous les pays. Des législations qui renforcent et qui essayent de
perpétuer cette domination s’y mettent en place lentement mais sûrement. Bien entendu, ces lois sont toujours présentées au plus grand nombre comme favorables au pays et au service de l’intérêt général.
Et si ça fait mal, c’est pour notre bien ! Le 8 avril, devant les députés, Manuel Valls a excellé dans ce domaine. Les commentateurs et les exégètes n’ont d’ailleurs pas cessé de le louanger : il a tenu le
langage de la vérité. En effet, toutes celles et tous ceux qui profitent de la distribution inégalitaire des richesses, des avantages, des privilèges, des honneurs, souhaitent naturellement qu’une telle situation
perdure. Et Manuel Valls vient de leur dire qu’elle allait continuer et même s’accélérer. Tous les gagnants de la politique actuelle ne peuvent que se réjouir lorsque celui qui est présentement aux
manettes leur confirme que tout va continuer dans le même sens. Et malgré cela, des impatients, des inconscients, des insatiables s’époumonent pour dire que ce n’est pas suffisant. C’est le jeu de notre
démocratie actuelle : une alternance est toujours possible et souhaitable à condition qu’elle ne change rien d’essentiel, sauf les acteurs de la distribution, qui servent et se servent.
Pour que ça dure encore.
Le chômage de masse va continuer. C’est bien le cœur du sujet. En effet, le chômage n’est pas un problème pour celles et ceux qui vivent du travail des autres, c’est même plutôt la solution, car il
permet d’améliorer le taux de profit sur le recours au travail des autres (les travailleurs acceptent de travailler plus en gagnant moins, ce qui « dégage » un bénéfice supplémentaire). Finalement, le
chômage n’est un problème que pour celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. La productivité du travail va continuer d’augmenter, l’efficacité de l’activité humaine va se poursuivre, en France, en
Europe, dans le monde, grâce à des technologies toujours plus performantes, et le Premier ministre annonce que tout sera fait pour aider les entreprises à investir. Mais il n’est toujours pas question de
réduire le temps de travail. La dernière réforme des retraites vient, au contraire, de prolonger la durée d’utilisation de celles et ceux qui ont un travail. Indirectement, le Premier ministre nous annonce en
outre que les suppressions d’emplois vont se poursuivre dans les services de l’État, dans les Collectivités territoriales et dans les Hôpitaux. L’employeur public va donc participer très directement
à l’augmentation du chômage. Il est symptomatique de voir combien ce chômage de masse facilite les choses : c’est toujours au nom de la lutte pour l’emploi (ou contre le chômage) que les gouvernements
mettent en place leurs réformes « courageuses » (des contre réformes qui maltraitent le plus grand nombre). Manuel Valls affirme que « soutenir nos entreprises, c’est soutenir nos emplois », et, pour
soutenir les entreprises, il faut alléger leurs coûts (les salaires, les cotisations sociales, leurs impôts, leurs obligations administratives, réglementaires, etc). Ca fait 25 ans que de telles politiques sont
pratiquées, 25 ans que le chômage augmente … et 25 ans qu’une minorité ne cesse de s’enrichir. Manuel Valls reprend, pour ce faire, le thème du coût trop élevé du travail. Nous affirmons que ce sont
les capitalistes, et pas les travailleurs, qui coûtent cher au pays et qui nous coûtent cher. La consolidation d’une dette perpétuelle continue de s’organiser. Nous avons déjà pu constater que la dette publique, celle des États, des Collectivités territoriales, des services publics, est une dette finement organisée par la conjonction de différentes mesures. L’interdiction faite aux États de la zone euro d’utiliser leur Banque centrale et la BCE pour financer une partie de leur déficit, le monopole de création monétaire laissé, de fait, aux banques privées par les prêts qu’elles sont amenées à faire, et la prise en charge par les États des dettes des banques lors de la crise financière de 2008, ont donné le cadre général de cet endettement public.
Ces mesures sont consolidées par une sous imposition de plus en plus forte des particuliers les plus riches et des plus grosses entreprises, par la multiplication des cadeaux fiscaux et des exonérations de
cotisations sociales sans contreparties ni contrôles, et par un laxisme complice à l’égard de l’évasion fiscale et de la fraude des employeurs aux cotisations sociales. Ce sont les principales raisons de
l’endettement de l’État français. Manuel Valls vient d’annoncer un nouveau coup d’accélérateur : l’impôt sur les sociétés passera de 33,3% à 28% (ainsi la part restant aux actionnaires passera de 66,6%
à 72%) ; d’autres taxes et impôts touchant les entreprises vont être rapidement supprimés. Toutes ces nouvelles mesures accentueront encore un peu plus le déficit du budget de l’État. Pendant le même
temps, les exonérations de cotisations sociales sont poursuivies, ce qui va accentuer le déficit de la Sécurité sociale, lequel sera ensuite mis en avant pour justifier une nouvelle baisse des prestations.
Manuel Valls, « regardant la vérité en face », claironne qu’il veut l’indépendance de notre pays et particulièrement son « indépendance financière ». Mais c’est tout l’inverse qu’il met en œuvre : sa
politique, comme celle de ses prédécesseurs, installe l’État sous la domination et le contrôle des « marchés financiers », c’est-à-dire de tous les riches particuliers sous-imposés qui disposent de fonds
énormes pour prêter aux États et percevoir ainsi une rente perpétuelle et des intérêts exorbitants dissimulés ensuite dans les paradis fiscaux.
Vérité et contre- vérité.
Plusieurs fois dans son discours, le Premier ministre a utilisé le mot « vérité ». Mais sa vérité n’est que mensonge. Il y a en effet des vérités premières à rappeler, des constats à faire, des analyses
courageuses à développer largement, un pragmatisme à respecter. Tout d’abord il faut réaffirmer que notre pays n’a jamais été aussi riche, que la planète n’a jamais autant regorgé de richesses et que le
monde n’a jamais compté autant de milliardaires dont le nombre est en hausse constante. Mais il faut immédiatement ajouter que cette richesse n’a jamais été aussi inégalement répartie. Face aux 8,7
millions de pauvres en France, selon une étude du crédit suisse, il existe plus de 2 millions de millionnaires et le salaire moyen des grands patrons du CAC 40 dépasse les 300 000 € mensuels ! (il paraît même qu’une centaine de personnes est plus riche que la moitié de l’humanité la plus pauvre). Il est donc intolérable de laisser se développer des politiques destinées à enfoncer toujours plus les pays et les populations dans le puits sans fond des inégalités.
L’Union Nationale Interprofessionnelle des Retraités Solidaires (UNIRS) constate que la politique programmée par ce gouvernement ne répond en rien à ses revendications. Bien au contraire. Le pouvoir
d’achat des retraités continuera d’être rogné, l’accès aux soins sera encore plus onéreux et plus difficile, l’aide à l’autonomie des personnes handicapées ne pourra qu’être remise en cause en raison des
économies imposées dans les dépenses sociales. L’UNIRS continuera d’agir, avec et dans l’Union syndicale Solidaires, pour s’opposer à ces choix et à ces orientations. Elle est disposée à agir aussi avec
les autres organisations syndicales de retraités qui refusent de se laisser enfermer dans des politiques aussi inégalitaires et régressives. Dans une telle période, il est indispensable de fédérer toutes celles et
tous ceux qui sont décidés à s’opposer à l’emprise oppressive d’une idéologie de la concurrence exacerbée mettant en cause, à terme, les fondements des sociétés démocratiques, dès lors que ce sont
les principaux détenteurs de capitaux qui ont la réalité des pouvoirs