Emploi : ne laissons pas mourir l’Afpa
tribune parue dans Libération
signée par
Boris Vallaud député PS Nouvelle Gauche des Landes , Pierre Dharréville député Groupe Démocrate et Républicaine des Bouches du Rhône , Caroline Fiat députée La France insoumise de Meurthe-et-Moselle , Gérard Cherpion député Les Républicains des Vosges
L’Afpa est en grand danger. Le 18 octobre dernier, la direction de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) a annoncé un plan de restructuration comprenant 1 541 suppressions d’emplois et 38 fermetures de centres sur 222. C’est dans un grand silence que les personnels se mobilisent depuis des mois pour attirer l’attention sur l’avenir de l’organisme. Le 27 juin dernier, le plan de réorganisation péniblement présenté était suspendu par le tribunal de Bobigny en raison de l’absence d’un plan de prévention des risques psychosociaux.
Dans la loi «Pour la liberté de choisir son avenir professionnel», aucune place n’était faite au service public de la formation professionnelle qu’est l’Afpa pour relever les défis en question ; face aux interrogations, le gouvernement se contentait de vagues déclarations. Et pour cause… Il se préparait à accompagner une nouvelle étape de son affaiblissement. Mais l’Afpa est un formidable outil. En 2018, 150 000 personnes y ont été formées et un actif sur 8 y a effectué un passage. Dans les six mois qui suivent leur sortie de formation, 66% des stagiaires trouvent un emploi. Ce sont des chiffres inégalés.
Garantir le droit à l’éducation permanente
Elle dispose d’un maillage territorial sans pareil, de capacités d’hébergement, de plateaux de formation, d’une formidable ingénierie. Elle propose des formations qualifiantes, un accompagnement performant pour les publics éloignés de l’emploi, des services dédiés aux réfugiés.
De nombreux efforts ont été fournis pour mieux répondre aux enjeux de notre temps. Cela est d’autant plus essentiel que face aux mutations technologiques, face aux enjeux écologiques, face aux défis économiques, face au chômage et à la précarisation, il y a besoin de développer une formation professionnelle exigeante et indépendante afin de garantir le droit à l’éducation permanente, élément incontournable de sécurisation des parcours.
La présence de l’Afpa en est l’un des moyens, au milieu d’un marché de plus en plus fragmenté et zappeur où les offres de formation proposées n’ont pas toutes la même qualité. Nous sommes convaincus qu’elle détient une part indispensable de la réponse aux évolutions contemporaines du marché du travail.
Or, le plan qui commence à être mis en œuvre consiste à réduire de façon drastique l’offre de formation de l’Afpa, ce qui se traduit par l’abandon de territoires entiers et même des déserts complets en l’absence de tous organismes de formation dans certains départements, et le renoncement à honorer des contrats et commandes. Dans de nombreux territoires, la présence d’un tel centre est une condition de l’accès la formation et une condition du développement économique.
C’est la raison pour laquelle des acteurs des mondes de l’économie, de la formation ou de l’action sociale, qui forment avec l’Afpa des écosystèmes locaux précieux, convergent afin de défendre leurs centres. Dans le même temps, l’Etat se plaît à lancer des appels d’offres sans garantie de résultat pour des actions qui pourraient être confiées à l’Afpa sans se soucier de sa place.
Porter une ambition renouvelée
Les difficultés financières structurelles de l’organisme sont incontestables et anciennes. Cette situation appelle à des mesures de protection, tirant les leçons de la décentralisation et de l’ouverture à la concurrence. Elle appelle également une réaction pour porter une ambition renouvelée, dont le plan proposé est clairement dépourvu. Il est de surcroît, quand on en regarde le détail, porteur d’erreurs stratégiques manifestes et déconnecté de choix politiques engagés par ailleurs sur la transition écologique, ou le développement industriel, le développement numérique par exemple.
Le gouvernement fait le choix de franchir une étape dans la lente agonie imposée à cet organisme fondé dans la dynamique démocratique, sociale et économique de la Libération. Il semble aujourd’hui détourner le regard, comme s’il n’était comptable de rien. Nous tirons la sonnette d’alarme : les choses ne peuvent pas continuer ainsi. L’avenir de l’Afpa n’est pas d’être un éphémère promoteur immobilier, ni un passe-plat distribuant à d’autres les commandes. Elle doit assurer, dans l’égalité républicaine, des missions essentielles pour le présent et l’avenir.
Depuis 2015, l’Afpa est un Epic, un établissement public d’état, qui ne saurait demeurer livré à lui-même. Nous appelons le gouvernement, qui visiblement essaye de rester caché, à imaginer d’autres solutions que ce plan de sabordage et à redonner une place à l’Afpa dans le paysage de la formation professionnelle.
17 juillet 2019 1:22