Le Travail peut-il devenir supportable ? Yves Clot et Michel Gollac
Les lecteurs de La Nouvelle Revue du Travail ont déjà eu l’occasion de prendre connaissance des travaux d’Y. Clot, notamment à propos de son livre précédent, Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux1. Ce nouvel ouvrage se présente également comme un « essai engagé » – mais tout autant érudit et informé de l’état de la recherche en sociologie du travail ou en gestion. Il est cette fois cosigné avec un sociologue dont les travaux font également référence dans le domaine des conditions de travail et de la santé au travail. M. Gollac a animé également un collège d’expert chargé de faire le point sur les connaissances concernant ces fameux « risques psychosociaux » (RPS) et de mettre en place une enquête nationale spécifique sur ce thème (Gollac & Bodier, 2011). L’ouvrage se propose donc non seulement de « faire le point », mais également de « faire du neuf », en faisant « jouer pleinement [les] différences, sans hésiter à rendre manifestes [les] controverses » entre les deux auteurs (p. 9). D’où la forme originale et quelque peu paradoxale du livre, à la fois entièrement cosigné, mais dans lequel le lecteur – surtout s’il est averti des travaux antérieurs des deux auteurs – saura repérer les moments de ces controverses. On reviendra sur ce paradoxe : ces controverses n’auraient-elles pas gagné à être plus explicites ?
Par rapport au précédent livre d’Y. Clot, celui-là apporte plusieurs développements, visiblement en partie nourris par les débats nombreux auxquels il a participé à partir du « travail à cœur ». Il s’agit bien entendu et d’abord, des contributions propres de M. Gollac qui se situent principalement sur le registre de la contextualisation sociale des enjeux de santé au travail (dans le chapitre trois, « Limiter les risques », qui traite des liens entre les modèles organisationnels et santé, et des enjeux de la durée du travail) et celui des conditions sociales de possibilité de la « clinique de l’activité » (chapitre 5 sur le « professionnalisme délibéré »). Mais il s’agit également des approches théoriques du « stress » ; de la critique, vigoureuse, des usages sociaux de la psychologie ; de l’interprétation des suicides au travail comme « drames de la conscience professionnelle » (chapitres 1 et 2) ; ou encore de l’insistance nouvelle mise sur les liens entre les enjeux de qualité du travail et de critères de performance au sein de l’entreprise, et les enjeux de santé publique et d’écologie.
Lire la suite sur la nouvelle revue du travail Paul Bouffartigue http://nrt.revues.org/2020
10 avril 2015 9:12