Lettre des Organisations Syndicales de l’AFPA au Premier Ministre
Objet : Demande de rencontre sur la formation professionnelle et la place de l’AFPA dans la politique gouvernementale
Monsieur le Premier Ministre,
Les organisations syndicales CGT, CFDT, FO, SUD et CFTC de l’AFPA souhaiteraient engager un échange avec vous à propos du service public de la formation professionnelle et de la place de l’AFPA en son sein.
L’Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) est devenue un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) le 1er Janvier 2017.
Cette transformation statutaire est le résultat d’un long processus politique et législatif qui emporte la reconnaissance d’un organisme de formation public national au service de nos concitoyens, tant privés d’emploi qu’en emploi.
Citons quelques points de référence :
– L’article 13 du préambule de la constitution de 1948 pose le principe de la responsabilité de la Nation : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat. »
– L’article L5315-1 du Code du Travail modifié par Ordonnance n°2016-1519 du 10 novembre 2016 :
« Un établissement public de l’Etat à caractère industriel et commercial contribue au service public de l’emploi mentionné à l’article L. 5311-1. A ce titre :
1. Il participe à la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l’emploi et contribue à leur insertion sociale et professionnelle ;
2. Il contribue à la politique de certification menée par le ministre chargé de l’emploi ;
3. Il contribue à l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à la promotion de la mixité des métiers ;
4. Il contribue à l’égal accès, sur l’ensemble du territoire, aux services publics de l’emploi et de la formation professionnelle. »
L’AFPA, organisme reconnu comme « école de la deuxième chance », a formé, dans notre pays, plus de cinq millions de personnes depuis 1946 en leur apportant qualification et certification. C’est l’outil national majeur de formation pour les adultes, particulièrement efficace dans le cadre de reconversions ou d’acquisition des compétences de métiers reconnues par la certification des titres professionnels du ministère du Travail.
Ainsi, l’Agence pour la formation professionnelle des adultes est destinée à occuper une place essentielle au sein du Service Public de l’Emploi, notamment au service des personnes peu ou pas qualifiées.
Cependant, le transfert de la compétence de la formation professionnelle aux Régions et le passage au système d’appels d’offres l’ont, depuis 2010, dangereusement fragilisée. Au point qu’à ce jour, nous avons perdu des milliers d’emplois, des sites de formations ont été fermés ou abandonnés, de trop nombreux plateaux techniques condamnés faute de marchés attribués. Ce constat, la baisse importante de nos activités de formation, dément formellement toutes les intentions pourtant affichées de résoudre la contradiction entre, d’une part, une augmentation constante du nombre de demandeurs d’emploi, et d’autre part, le besoin crucial de travailleurs qualifiés, comme dans des métiers techniques du bâtiment et de l’industrie, pour répondre aux défis du redressement et de la réindustrialisation annoncés. La situation actuelle de l’AFPA est d’autant plus incompréhensible et inacceptable.
Gouvernance et direction générale de l’AFPA n’ont, jusqu’à présent, su répondre à la situation économique, comptable et financière dégradée que par la réduction des charges, avec pour principale variable d’ajustement, l’emploi, au détriment des obligations d’utilité sociale et de service public dédiées à notre établissement public.
Pour autant, les organisations syndicales CGT, CFDT, FO, SUD et CFTC de l’AFPA ne se résignent pas à voir l’AFPA rétrécir dans ses activités et ses emplois comme peau de chagrin. Au contraire, nous nourrissons des espoirs ambitieux dans ce nouveau cadre d’organisme public et dans celui de votre plan d’investissement en faveur des compétences dont les chômeurs faiblement qualifiés sont un des publics prioritaires.
Nous souhaitons donc connaître l’ambition que vous portez pour l’AFPA, la place que vous souhaitez qu’elle occupe, en particulier au regard des 15 milliards d’euros que vous voulez consacrer aux compétences et qualifications des Français avec un plan de formation des jeunes et des demandeurs d’emploi.
L’objectif formulé dans votre programme est : «de former sur le quinquennat un million de jeunes peu qualifiés éloignés de l’emploi et un million de chômeurs de longue durée faiblement qualifiés ». Avec l’AFPA et ses personnels, vous disposez d’un formidable levier pour mettre en oeuvre ce plan. Sachez que les salariés de l’AFPA sont dans l’attente d’une telle mobilisation pour transmettre compétences et qualifications à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Ils sont aussi très attachés à la qualité de la formation professionnelle pour que cet investissement soit le plus efficace possible pour les bénéficiaires mais aussi pour les fonds publics : une formation réussie, jusqu’au diplôme certifié et l’emploi, assure un retour sur investissement en quelques semestres (de 1 à 4 suivant les niveaux de titres professionnels, secteurs d’activité et durée des formations de l’AFPA).
Les choix que vous opérerez auront de fait un impact sur l’avenir de l’AFPA, ses salariés, mais aussi sur la réponse aux besoins de main-d’oeuvre qualifiée, en constante évolution technique, technologique et dans une approche prospective face aux défis numériques, écologiques et industriels.
La réussite du parcours de formation pour les publics qui en ont le plus besoin, et qui sont bien souvent aussi les plus éloignés de l’emploi, repose, de notre point de vue, sur plusieurs conditions :
– Asseoir plus ouvertement la légitimité des missions de service public de l’AFPA quant à la formation des demandeurs d’emploi avec l’objectif d’optimiser leur accès à l’emploi.
– Remettre en oeuvre un véritable dispositif d’accompagnement, dans une approche de parcours de formation professionnelle répondant aux besoins et aux demandes de la personne ; cela, dans une logique de sécurisation par la mobilisation de tous les moyens nécessaires à l’efficacité du parcours formatif.
– Redonner les moyens financiers à l’AFPA pour quelle puisse s’adapter en permanence aux évolutions et prospectives pédagogiques, techniques, technologiques, et investir dans son ingénierie.
Nous pensons qu’il faut poursuivre les voies de réflexion sur :
– le ou les modes de contractualisation qui, sous couvert de l’Etat, seront mis en oeuvre pour les parcours de formation mobilisés à l’AFPA, pour répondre aux objectifs que vous souhaitez atteindre,
– les moyens que l’Etat mobilisera pour faire en sorte que les Régions utilisent l’AFPA autant que nécessaire pour la réussite de votre plan d’investissement dans la formation professionnelle,
– une contractualisation plus collaborative entre l’AFPA, Pôle Emploi, les Régions et l’Etat que la mise en concurrence actuelle où les prix constituent le plus souvent l’arbitrage final.
C’est pourquoi nous souhaitons vous rencontrer avant la mise en place de votre plan d’investissement pour la formation.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération
2 juin 2017 10:07