L’homologation du PSE de l’AFPA annulée en justice, une direction qui se retrouve le bec dans l’eau
Le blog de Michel Abhervé 03/08/2020
C’est précisément au moment où l’État constate qu’il a besoin de l’AFPA pour mettre en œuvre son plan en direction des jeunes (voir Un changement de cap du Gouvernement : en période de crise, on a besoin des compétences de l’AFPA, affaiblie par les pratiques précédentes) que l’institution rencontre une nouvelle crise illustrant l’incohérence de la politique conduite par ses responsables.
En pleine exécution d’un très important plan social, le Tribunal Administratif de Montreuil vient en effet, par un jugement du 23 juillet 2020, d’annuler, à la demande de la CGT et de Sud, la décision d’homologation du PSE de l’AFPA par la Direccte en date du 13 décembre 2019.
Cette décision s’appuie sur les raisons évoquées par les deux syndicats à savoir
- Une absence d’objectivité dans le découpage des catégories socio-professionnelles concernées par le plan, fondées non sur la nature des fonctions occupées, de la formation, et des acquis de l’expérience, mais construites en fonction de l’organisation future, ce qui offre matière à une approche discriminatoire, permettant de sélectionner ceux qui ont vocation à partir ou à rester
- Le défaut de contrôle par la Direccte du contenu des mesures d’évaluation et de prévention des risques prévues par l’AFPA pour les salariés restant en poste
La pratique de la direction concernant ce dernier point est d’autant plus critiquable qu’il avait déjà servi de fondement à la suspension du plan de restructuration en juin 2019 (voir AFPA : le plan de restructuration suspendu faute de prise en compte des risques psycho-sociaux. Une défaite de la direction, une victoire qui accroit les risques pour l’avenir de l’institution)
Cette lourde défaite juridique met en évidence la faillite d’une direction qui a pourtant engagé force moyens pour se faire assister (voir L’AFPA, ou le bonheur des consultants), mais aussi du gouvernement qui l’a incité, voire obligé, à passer en force.
Le jugement interrompt donc un plan en plein cours d’exécution, montrant une direction totalement pris au dépourvu par une situation qu’elle ne semble avoir nullement anticipée. Dan Israël dans son article très complet publié par Médiapart, Déjà effectif, le plan social de l’Afpa est annulé (qui publie le jugement) reproduit le mail laconique envoyé par la direction aux salariés « Nous analysons cette décision et reviendrons vers vous afin de vous donner de plus amples informations », Il ne manque que Bonnes vacances !
Il semble que les licenciements effectifs ne seront pas annulés mais que les salariés concernés pourront demander leur réintégration aux prud’hommes, ce qui leur donnerait, en cas de refus, droit à une indemnité financière, au moins égale aux salaires des six derniers mois.
Par contre les licenciements non effectifs, et en particulier ceux des salariés protégés, ne peuvent plus être prononcés, les transferts de postes prévus ne peuvent plus être imposés, et les primes de mobilité deviennent aléatoires, ce qui rend très difficile de concrétiser la restructuration prévue.
La direction continuera-t-elle, malgré ce nouvel échec juridique, dans une détermination qui a pourtant montré clairement ses limites, en faisant appel de ce jugement ? Ou profitera-t-elle du nouveau contexte créé par le changement d’attitude du gouvernement vis-à-vis de l’AFPA pour proposer une forme de “paix des braves” visant une mobilisation d’équipes fortement secouées par la succession de crises ?
Le gouvernement sanctionnera-t-il une direction qui a fait preuve de son incapacité à maitriser la procédure qu’elle avait charge de conduire pour installer une équipe mandatée pour relancer l’activité en s’appuyant sur un dialogue social renouvelé ?
Beaucoup de questions pressentes en pleine période de vacances
Et il n’y a pas que la direction qui semble surprise par ce jugement, comme le montre cette rapide revue des sites des organisations syndicales représentatives dans l’institution
Le communiqué commun de la CGT et de Sud du 29 juillet
Sur le site de la CFE-CGC devenue premier syndicat de l’AFPA (voir AFPA : les syndicats réformistes majoritaires), le dernier message date du 27 février 2020 !
AJOUT / Le lendemain le lien est désactivé “redirection non configurée”
Sur le site de la CFDT, le dernier Mini-Flash date de juin 2020
Sur le site de FO, la dernière actualité appelle à voter pour les élections professionnelles de novembre 2019 !
AJOUT
La direction semble d’être rendue compte qu’elle ne pouvait en rester à son message laconique et adresse aux salariés une adresse qui comporte les paragraphes suivants
“Cependant avec la décision du Tribunal administratif qui a annulé tout récemment la décision d’homologation par la Direccte de notre PSE, il y a une nouvelle source d’inquiétude, de questionnement dans une période où nous devrions penser un peu à nous et à nos proches. Je tiens sur ce point à vous rassurer. Nous travaillons bien évidemment à l’analyse des conséquences, complexes, de la décision. La décision du Tribunal administratif est exécutoire et nous ne pouvons plus notifier de nouveaux licenciements depuis la date de la décision. En revanche, nous poursuivrons la mise en œuvre des mesures d’accompagnement pour tous ceux dont le départ a déjà été notifié de telle façon que les projets professionnels et personnels engagés ne soient pas freinés. Nous reviendrons bien évidemment vers vous une fois que l’analyse aura été réalisée.”
Par ailleurs la directrice générale annonce une rencontre avec la ministre du travail fin août au sujet de l’avenir de l’Afpa. Bonnes vacances !
4 août 2020 7:01