Meeting unitaire du 3 mai Place des Invalides à Paris
Les deux dernières manifestations des 28 avril et du 1er mai ont été marquées par le franchissement d’une nouvelle étape de la répression gouvernementale contre les syndicalistes. Depuis le début de ce mouvement social les méthodes d’utilisation des forces de l’ordre, avec une présence massive, directement au contact des manifestants, casqués, avec leur bouclier, exacerbe les tensions sociales déjà fortes dans le contexte de grave crise de notre pays. Ainsi le 28 avril dernier, par exemple, ceux sont deux camarades de la CGT et de Solidaires qui ont été interpellé après une action de blocage classique et pacifique de l’entrée du port de marchandises de Gennevilliers. Le même jour, et il ne s’agit que de quelques exemples, un jeune manifestant perdait un œil à Rennes, à Paris le carré de tête du cortège parisien était disloqué par des tirs de gaz lacrymogènes au pont d’Austerlitz et à Marseille c’est par des tir tendus que le cortège de Solidaires était accueilli, conduisant un de nos militant à l’hôpital
Après s’être abattue essentiellement sur les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s, la répression policière dans le cadre du mouvement contre la Loi Travail s’étend aujourd’hui aux syndicalistes. Elle vient confirmer la tendance à la criminalisation de l’action syndicale déjà illustrée, entre autres, par les cas Goodyear, La poste ou Air France. Il s’agit pour le pouvoir d’empêcher le développement d’un syndicalisme de luttes ainsi que de tenter de fragiliser le massif soutien au mouvement de la population.
On assiste au total à une accentuation des moyens de répression contre le mouvement social et syndical à un niveau jamais atteint ces dernières années : mise à sac d’un local syndical à Lille, tirs tendus de flashball contre les militants, garde à vue de près de 50 lycéens dans le 92, inculpation de syndicalistes dans le 93, garde à vue de nombreux syndicalistes partout en France, la liste est longue… sans compter les violences policières qui s’exercent contre les opposants à la loi Travail, ou contre les jeunes mobilisés dans le cadre des « Nuits debout » qui ont atteint leur paroxysme le 1er mai.
Solidaires condamne fermement l’ensemble de ces mesures qui visent à bâillonner le mouvement syndical et avec lui l’ensemble du mouvement social. Non, les syndicalistes et les jeunes ne sont pas des criminels : ils ne font que s’opposer par des voies démocratiques aux mesures de régression sociale que le gouvernement veut imposer par la force.
Nous exigeons de manière solennelle l’abandon des poursuites judiciaires engagées envers l’ensemble des syndicalistes et des jeunes mis en cause dans le cadre des mobilisations contre la loi Travail. Nous exigeons aussi la mise en place d’une commission d’enquête indépendante qui d’une part recense les nombreux manifestants blessés curieusement occulté et d’autre part examine les méthodes utilisées par le gouvernement pour le maintien de l’ordre.
Nous en sommes aujourd’hui à plus d’un mois et demi de lutte depuis la première manifestation le 9 mars et la pétition qui avaient lancé le mouvement contre la loi travail.
L’examen de ce texte commence aujourd’hui à l’assemblée nationale. Le rapport de forces que nous avons créé depuis le début du mois de mars a obligé le gouvernement à quelques reculs par rapport au projet initialement concocté avec le MEDEF. Mais celui-ci reste totalement inacceptable. En apportant quelques aménagements, en répondant ici ou là à des revendications catégorielles, le gouvernement a joué et continue à jouer la division : entre organisations syndicales dans un premier temps, entre mouvements de jeunesse et syndicats ensuite. Si cela a suffi à satisfaire CFDT, UNSA ou CGC, pour l’essentiel les manœuvres de division ont échoué : des collectifs de base CFDT ou UNSA sont toujours dans la lutte, d’autres syndicats (CNT-SO, CNT, LAB,…) aussi, et le front commun entre CGT/FO/Solidaires/FSU et mouvements de jeunesse demeure. Il est là aujourd’hui et continue à réclamer le retrait du projet de loi El Khomri.
Ce projet de loi remet gravement en cause un grand nombre de droits. Allant jusqu’à anticiper certaines demandes du Medef, le projet va très loin. C’est une remise en cause de fond des droits des travailleuses et travailleurs.
Il est global et s’attache à des remises en cause nombreuses qui font système autour de plusieurs points centraux :
• Faciliter les licenciements collectifs ou individuels, soi-disant pour embaucher plus facilement
• Remettre en cause les 35h par le biais des accords d’entreprise
• Remettre en cause la hiérarchie des normes dans la négociation collective, c’est à dire s’affranchir des contraintes liées à la loi.
• Remettre en cause la médecine du travail en réduisant notamment les obligations de visite médicale
• Simplifier le code du travail en remettant en cause l’histoire des droits des salarié-es pour en faire un code des droits humains au travail.
Pour les travailleuses et travailleurs l’adoption de ce texte cela serait continuer à perdre sa vie à la gagner. Ce n’est pas possible !
Seule maigre contrepartie la mise en place d’un Compte Personnel d’Activité qui ressemble au mieux à une coquille vide mais qui risque surtout de poursuivre dans la dangereuse voie de l’individualisation des droits.
Alors oui pour Solidaires rien n’a changé, c’est toujours le retrait pur et simple de ce projet de loi que nous exigeons et, aussitôt après, l’ouverture de négociations pour obtenir :
des créations d’emplois utiles socialement et écologiquement.
un nouveau statut donnant des droits aux salarié-es dans ou hors de l’emploi.
La réduction du temps de travail à 32 h
Un nouveau code du travail et une réelle démocratie à l’intérieur des entreprises
Pour cela nous avons des atouts, plus encore que nous ne l’imaginons.
La grande force de notre mouvement c’est sa diversité et les formes variées qu’il a aujourd’hui. Cette variété des formes de protestation et d’engagement a permis de monter en puissance au fil des semaines :
• La pétition au départ du mouvement a donné un écho massif à notre revendication de retrait et a montré les dangers de cette loi.
• Une intersyndicale qui continue à donner des perspectives communes de manifestation et de grève et qui doit poursuivre dans ce sens, le 12 mai et après..
• Les jeunes qui ont, avec d’autres, appelé à la manifestation du 9 mars et ont donné le top des initiatives de rue. Les coordinations nationales étudiantes et lycéenne qui depuis propose des journées de manifestation qui sont des relais avec les dates proposées par l’intersyndicale.
• Les Nuits debout qui ont permis dans de nombreuses villes de construire des lieux de rencontres, de débats, d’échange, d’exercice démocratique et de construction de la convergence de luttes.
La lutte pour les droits au travail est le premier acte d’un mouvement social qui dépasse le cadre strict des entreprises.
Maintenant la question est : comment gagner ?
Aujourd’hui pour aller plus loin, pour gagner le retrait, Solidaires propose de travailler en mobilisant tous nos points d’appui :
• Assurer avec l’intersyndicale, la coordination étudiante et toutes les autres forces mobilisées aujourd’hui le succès des journées de grève et de manifestations comme celle d’aujourd’hui mais surtout donner rapidement des perspectives. C’est le cas du 12 mai, mais cela ne suffira pas, il faudra aller plus loin, plus fort, plus vite.
• Cela veut dire en particulier multiplier dans les entreprises et les services les appels communs, unitaires à la grève, aux débrayages et manifestations.
• Cela veut dire aussi dans les espaces que constituent les Nuits debout discuter concrètement des convergences de luttes, pour que les échanges aient lieu aussi sur les lieux de travail, devant les entreprises. Cela a commencé à Paris notamment dans les discussions des commissions convergence et grève générale et avec les syndicalistes de l’appel On bloque tout, par les interventions à Renault, à st Lazare ou avec les intermittents. C’est aussi la présence des CNT, de la CGT et de Solidaires à la nuit de bout du jeudi 28 avril à Paris.
• La convergence, c’est aussi continuer à montrer à chacun et chacune les effets néfastes de la loi, comment elle va toucher les jeunes, comment elle va toucher les femmes aussi et surtout, victimes de licenciements parce que plus touchées par des politiques discriminatoires, et plus contraintes par les régimes horaires dérogatoires, montrer comment la fonction publique elle aussi est concernée.
• Discuter et travailler dans le plus grand nombre possible d’entreprises et secteurs d’un mouvement de grève assez fort et assez long, reconductible si nécessaire ! Cela l’est sans aucun doute aujourd’hui pour permettre le retrait de la loi. Ce n’est pas facile car les syndicats et les salarié-es ont été marqué-es par des défaites ces dernières années sur les retraites en particulier. Ce n’est pas facile car il y a une méfiance envers les organisations syndicales, mais celles-ci sont diverses et n’ont pas toutes les mêmes stratégies. Mais, justement ces expériences doivent nous permettre de lever les obstacles.
Depuis plusieurs jours il y a un débat dans les Ag, dans les syndicats, dans les nuits debout sur la meilleure stratégie à adopter. En face, le gouvernement a une stratégie claire, nous diviser. Donner satisfaction à quelques-uns pour empêcher l’unité, la convergence.
Aujourd’hui, un nouveau climat social s’est installé. Le bateau libéral gite, tangue, roule sur la houle de nos rangs serrés, de nos vagues qui se lancent, effritent, arrachent pierre après pierre des murs d’austérité. Nous avons quelques jours derrière nous et encore devant nous pour écrire un nouveau morceau d’histoire du mouvement social. Sans frénésie, avec calme, détermination, sans crainte car nous avons déjà gagné. Oui, nous avons gagné car autour de nous la confiance revient dans notre capacité collective à modifier l’ordre des choses. Inexorablement, les yeux s’entrouvent après ces années d’obscurité, l’espoir renait. Enfin. Mais n’oublions pas quels adversaires sont devant nous qui se permettront tous les coups, y compris les pires. Ils pensent que nous ne sommes rien, soyons tout !
Alors oui pour Solidaires il est temps de proposer une date et que le mouvement social s’en empare, oui, construisons une grève massive, reconductible, l’opposition à la loi travail est toujours largement majoritaire dans la population. Le 17 mai doit être une date de convergence et d’unité, de grève et de manifestations massives. Le 18 mai doit être lui le point de départ d’un mouvement reconductible jusqu’au retrait de ce projet de loi.
Alors, dans la rue aujourd’hui, demain et après, debout et en lutte, le jour comme la nuit…jusqu’au retrait !
7 mai 2016 4:58