Poursuivre l’expert psychiatre en justice, la méthode radicale de l’Afpa pour empêcher la propagation des RPS
la Nouvelle République
Le docteur Jean-Jacques Chavagnat a-t-il “ manqué de prudence ” ? La chambre disciplinaire de l’ordre régional des médecins de Nantes tranchera.
Le psychiatre poitevin Jean-Jacques Chavagnat a été assigné lundi devant la chambre disciplinaire de l’ordre régional des médecins des Pays de la Loire, à la demande du conseil de l’ordre des médecins de la Vienne, pour avoir “ manqué de prudence ” dans la rédaction de deux certificats médicaux. L’affaire – qui devait initialement être jugée à Poitiers avant l’été – a été dépaysée à Nantes en raison de la notoriété locale du psychiatre du centre hospitalier Henri-Laborit.
En 2014, puis en 2016 lors d’une rechute, ce spécialiste de la souffrance au travail avait en effet imputé la dépression de l’ancienne responsable des ressources humaines de la direction régionale de l’Afpa (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) à une « maltraitance indiscutable » de la part de sa hiérarchie. Ses attestations avaient incité le procureur de la République de Poitiers à ouvrir une enquête préliminaire pour harcèlement moral contre la direction de l’Afpa, des investigations toujours en cours à ce jour, selon son avocat. Les prud’hommes avaient en revanche donné raison à l’Afpa, excluant tout harcèlement moral dans cette affaire, ce qui a incité l’ancienne responsable des ressources humaines à faire appel du jugement.
“ Ses certificats dérangent ”
Saisi par l’Afpa, le conseil de l’ordre des médecins de la Vienne avait quant à lui porté plainte contre le psychiatre pour avoir “ manqué d’impartialité ” dans ce conflit. « Il l’a reconnu lui-même au cours de la procédure, en disant que ce n’était pas dans ses habitudes mais qu’il l’avait fait en connaissance de cause », a souligné son représentant, lundi, à l’audience.
« Il ne s’est pas basé que sur les dires de sa patiente, mais sur ses nombreux échanges avec sa consœur médecin du travail, qui fait partie du CHSCT », a répliqué l’avocat de la défense : « En fait, ses certificats dérangent l’avocat de l’employeur dans le contentieux prud’homal… C’est une mesure d’intimidation contre le corps médical dans son ensemble. Cette procédure ne vise qu’à faire pression sur lui. »
Le psychiatre estime, pour sa part, s’être « engagé consciemment » car il « avait les éléments » pour établir un tel lien de cause à effet entre la dépression de sa patiente et ses conditions de travail : l’ancienne responsable des ressources humaines lui avait en effet confié son intention de «se pendre dans son bureau ». « Elle avait été mise dans un bout de couloir, avec un bureau vide sans ordinateur ni téléphone… C’est gênant pour une DRH », a-t-il souligné devant ses pairs.
Les photos de l’environnement de travail de la plaignante, produites au dossier, sont en effet « très explicites », a commenté un assesseur de la chambre disciplinaire. L’expertise du Dr Chavagnat en matière de souffrance au travail est également « indiscutable », a noté un autre de ses membres.
« J’aurais pu utiliser des tournures de phrase comme “ il me semble que ” ou “ selon les dires de la patiente ”… C’est ce que je fais quand j’ai un doute. Mais, là, je n’en avais pas », a insisté le psychiatre hospitalier. « On me reproche aussi de ne pas m’être rendu sur place, mais il aurait fallu que j’interviewe le directeur général, qui m’aurait alors mis dehors. »
La décision de la chambre disciplinaire, qui peut aller de la relaxe à la révocation de la profession, sera connue sous quatre à six semaines.
16 octobre 2018 11:53