Sauvetage de l’AFPA par le gouvernement (2) : le patrimoine de l’état dispersé, l’AFPA hérite des ruines.
En même temps que l’arnaque à 110 millions d’euros (tract SUD FPA du 11/02/13), l’État enfonce le clou du démantèlement de l’AFPA. Alors que les formations AFPA avaient toujours été encadrées par les « services associés » (orientation et suivi psycho-pédagogique, hébergement, restauration, suivi médical d’aptitude,accompagnement vers et dans l’emploi, animation socio-éducative), c’est un nouveau pilier du parcours de formation qui va être retiré à l’AFPA. Après avoir porté un coup critique en lui retirant les psychologues du travail en 2010, l’État, en lui retirant les hébergements, risque de porter le coup fatal à l’Association… Et toujours avec l’affichage des meilleures intentions du monde : celles de sauver l’AFPA.
La fausse bonne idée des baux emphytéotiques administratifs (BEA)
Après l’apport des 110 millions par l’État, un autre point a été présenté comme vital à la survie de
l’Association : la signature de baux emphytéotiques administratifs. Ces BEA permettent à l’AFPA d’occuper
légalement le domaine public de l’État, en contrepartie d’une redevance. Yves Barou a annoncé à plusieurs
reprises que l’AFPA ne verserait pas plus de 8 M€ par an pour l’ensemble des bâtiments qu’occupe l’AFPA1.
Sauf que là encore, tout n’est pas dit. Tout d’abord, alors qu’il était question de couvrir l’ensemble des
établissements de l’AFPA par des BEA, ce sont maintenant 3 scénarios qui sont présentés comme
« solution » au problème du patrimoine :
• des BEA, qui permettent de rassurer les banquiers et donc de dégager des emprunts,
• des transferts ou dévolutions de sites aux Conseils Régionaux,
• et des dotations en propre ou dévolutions à l’AFPA.
Avec un prétexte pour justifier ce changement de cap : la direction n’avait pas prévu que l’AFPA, devenue
locataire, devrait payer les taxes foncières en plus du loyer à payer à l’État. Argument assez surprenant
dans la mesure où, quel que soit au final le futur propriétaire (État, Conseil Régional ou AFPA), les taxes
foncières seront redevables par l’AFPA.
Pour SUD FPA, cette manoeuvre aura pour conséquence de dépouiller une fois encore l’AFPA d’une plusvalue
qu’elle apporte à ses stagiaires en formation : la possibilité de les héberger pendant la durée de leur
parcours de formation. En effet, les sites « expérimentaux » qui font l’objet d’un BEA sont ceux qui
disposent d’un hébergement jugé suffisamment rentable pour attirer un « cost-killer » du logement social :
la Société Nationale Immobilière (SNI) (voir encadré).
Après que la SNI aura fait son marché sur les hébergements profitables, les Conseils Régionaux seront
invités à choisir les centres qu’ils peuvent juger apporter un intérêt à la Région. Une fois que ces 2 là
auront pris le bon grain, l’AFPA pourra devenir propriétaire de l’ivraie, via la dévolution que lui fera l’État.
Dévolution qui avait d’ailleurs été refusée par le Conseil Constitutionnel en 2011. On n’a pas bien compris
l’argument du directeur général au CCE du 31 janvier 2013, selon lequel une astuce juridique ferait que ce
qui était anticonstitutionnel hier ne le serait plus aujourd’hui. Taxes foncières imprévues ou changement de
Constitution, nous ne croyons pas à ces arguments. Il faut donc chercher ailleurs les raisons de ce
saucissonnage du patrimoine de l’AFPA, ce que nous tentons ci-après.
BEA : Mais à qui profite l’acronyme ?
Tout d’abord, lorsqu’on parle de bail entre l’AFPA et l’État, il faut plutôt parler de baux multiples : 1 bail
entre l’État et l’AFPA et 1 bail entre l’État et…l’État, au travers de ses sociétés écran en charge du
logement social. Interrogé au CCE du 31 janvier sur les relations entre l’AFPA et ADOMA (ex-SONACOTRA),
le tout nouveau directeur général n’a pas tout dit, limitant ses explications à de vagues relations
contractuelles encore non définies entre l’AFPA et ADOMA. Il n’a pas pipé mot du montage pourtant déjà
mis en place qui va permettre de dépouiller l’AFPA de « ses » hébergements tout en les lui faisant payer, de
priver les stagiaires de leur droit à un hébergement, voire de leur allocation logement. Ce n’est pas un pur
hasard si les premiers baux seront signés pour 2 régions
« pilotes », l’Ile de France et Rhône-Alpes : ce sont justement les 2 régions phares d’ADOMA. Et même dans ces
2 régions, tous les centres ne seront pas repris sous forme de baux, la valeur « de la plus-value latente » des
hébergements de l’AFPA variant d’un centre à l’autre.
L’amputation de l’hébergement : une opération en 5 temps.
➢ 1er temps, la division foncière
• les géomètres interviennent sur les centres AFPA et font des relevés pour extraire les
parcelles des locaux d’hébergement de celles du reste du centre de formation. Le cadastre
donne un nouveau numéro à cette parcelle.
Cette division est matérialisée par la pose d’une clôture grillagée 2.
➢ 2ème temps : la signature des baux
• après la division parcellaire, l’État signe un bail emphytéotique administratif avec l’AFPA pour
la seule parcelle des locaux de formation et d’administration. Dans le même temps, elle
signe des baux avec ADOMA pour les parcelles sur lesquelles sont construits les hébergements.
Il se peut même que l’État les cède à ADOMA.
➢ 3ème temps : l’AFPA loue des chambres à ADOMA
• L’AFPA s’engage sur la location3 de chambres pour ses stagiaires. Elle doit s’engager sur un
nombre ferme de chambres louées et payées, charge à l’AFPA de trouver des « clients » pour
occuper les chambres qu’elle loue.
➢ 4ème temps : ADOMA facture les frais de
réhabilitation à l’AFPA
• En plus du loyer, il faudra payer les charges :
les charges de fonctionnement et les charges
d’investissement.
➢ 5ème temps : ADOMA revend les hébergements dès lors qu’ils ne sont plus (ou pas assez) rentables
• pour pouvoir avancer les frais de rénovation du patrimoine qu’elle veut conserver. Quant aux
stagiaires de l’AFPA, ils n’auront qu’à se débrouiller, ou bien trouver un centre AFPA à proximité de chez eux, tant pis si ce n’est pas
la formation qu’ils souhaitaient suivre (après tout, ils sont adultes, hein!).
Société Nationale Immobilière (SNI) :
comment faire du fric sur le dos du
logement social
À l’origine, société immobilière en charge de l’hébergement des militaires, la SNI a été
reprise par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), ensuite fusionnée
avec les sociétés HLM et autres bailleurs sociaux (SCIC, ICADE, …). Au total, avec
pas loin de 300 000 logements, le groupe SNI est le premier bailleur de France . En
prenant 32,8 % de participation dans ADOMA (ex-Sonacotra), la SNI en a pris
également le contrôle avec une philosophie simple : faire du fric en se séparant des
logements les moins rentables, réinvestir les sommes dans la réhabilitation des
logements conservés, tout en faisant payer cette réhabilitation aux locataires, au travers
des provisions pour charges. Contrairement à l’AFPA, la SNI n’est pas une association,
et son but est bien de dégager des bénéfices à remettre à l’actionnaire, l’État en
l’occurrence. Quitte à ce que ce soit les plus démunis (travailleurs immigrés, stagiaires de
la formation professionnelle, smicards) qui en paient le prix.
D’ailleurs, André Yché, Président du groupe SNI (et accessoirement ancien militaire)
suggérait déjà en 2010 que l’État vende 10 % du parc HLM pour dégager de la
trésorerie. Thierry Repentin, à l’époque dans l’opposition, avait dénoncé la montée des
périls qui menaçaient le mouvement HLM. Espérons que, devenu secrétaire d’État en
charge de la formation professionnelle, il ait le même souci auprès des stagiaires de
l’AFPA et de leur hébergement (source : Libération 25/01/2010).
(Air connu) « Quand un ancien militaire (Estampes) rencontre un ancien militaire
(Yché), qu’est-ce qu’ils s’racontent ? Des histoires de stagiaires » (qui iront dormir
ailleurs).
En raison du coût direct sur son CA, l’AFPA réservera le minimum de chambre, et tant pis s’il y a plus de
demandeurs d’hébergement. Quant aux stagiaires hébergés, l’AFPA leur présentera la facture, donc il
pourront prétendre à l’APL… à condition d’y renoncer pour leur résidence principale. En résumé,
l’AFPA devra payer l’hébergement (quand elle ne pourra pas le faire payer aux stagiaires) parce que
l’État, qui ne lui donne plus de travail, ne lui donne plus non plus les moyens d’entretenir les
hébergements. La double peine, quoi. Quant aux Animateurs de Vie Collective et Animateurs SociauxÉducatifs,
« le transfert de leur contrat de travail n’est pas prévu à ce jour » (Hervé DUFOIX, CCE du 31 janvier 2013). Quand on voit les résultats
provoqués par ce qui était « prévu », on ne peut que s’inquiéter de ce qui n’est « pas prévu à ce jour ».
Jeu-concours : Le petit Urbaniste (jeu sans obligation d’achat)
ci dessous, emprise du centre AFPA de Stains (93) AVANT signature des BEA
ci-dessous, emprise du centre AFPA de Stains APRÈS signature des BEA
Question à 2 sesterces : À votre avis, quel numéro correspond aux bâtiments de l’hébergement ?
La troisième voie, la dévolution à l’AFPA des centres dont les autres ne veulent pas.
Ne sachant pas encore quelles sont les volontés des Conseils Régionaux envers les locaux de l’AFPA,
examinons le chapitre « dévolution à l’AFPA ». Version officielle : les centres à vocation nationale 4
seront donnés à l’AFPA. Là encore, on a du mal à comprendre. Les centres à vocation nationale sont
ceux qui ont tout particulièrement besoin d’un hébergement, puisque leur vocation est justement
d’accueillir des stagiaires qui ne sont pas de la région. Ce sont donc ces centres qui devraient
concentrer la priorité des financements pour la rénovation. Eh bien bizarrement, non ! Pas de
reprise par ADOMA, pas d’intervention des Conseils Régionaux. L’AFPA devra financer seule l’intégralité
des rénovations, sur la totalité des hébergements…alors qu’on nous dit depuis le début que ce sont les BEA qui « sécurisent » les centres et
leur pérennité. Elle est où la logique ? Ainsi donc, le démantèlement de l’AFPA continue.
Après le départ de l’orientation en 2010, on va assister au départ de l’hébergement dès 2013.
« Critiquer, c’est facile, mais « on » ne pouvait pas faire autrement… »
FAUX ! Il suffisait de proclamer que la formation qualifiante des chômeurs est un droit, garanti par
l’État, que les chômeurs ne sont pas une marchandise. D’autres états européens l’ont fait ce
qui leur permet de subventionner les instituts et organismes en charge de ce service public, qui plus
est dans le cadre des lois européennes. Parfois, Bruxelles a le dos large quand il s’agit de lui faire
porter la responsabilité du courage que n’ont pas nos dirigeants politiques. Il suffisait d’avoir le
courage de s’opposer aux vrais donneurs d’ordre de l’État français : les marchés financiers.
Beaucoup de nos concitoyens ont cru en Hollande en mars 2012. Ils ont cru en celui qui déclarait, d’un
ton, on ne peut plus solennel, au Bourget le 22 janvier 2012 : “Je vais vous dire qui est mon adversaire … il n’a
pas de nom … pas de visage … cet adversaire … c’est le monde de la finance”.
C’était beau à en pleurer ! Depuis, il a été élu, et le monde de la finance peut continuer à imposer “SA
LOI” aux peuples.
De même, beaucoup de salariés de l’AFPA ont cru au discours de la nouvelle gouvernance en fin d’année
dernière, lors du CCE du 19 septembre 2012 : ” L’AFPA doit retrouver sa vocation historique de
qualification. L’AFPA porte une mission de service public de la formation.”
Et puis au premier janvier 2013, le président Barou a pris les mêmes pour recommencer. Et le 21
février 5, ce seront à nouveau les banquiers qui imposeront leur loi pour l’AFPA : « le plan de
financement doit inclure le versement de nos intérêts (9 millions d’euros par an d’intérêts pour les
banques), le versement de la rente à l’État » (4,5 millions d’euros en 2013 puis 9 millions par an à
partir de 2014)6. « Et comme signe de bonne volonté, vous devrez en plus faire gober aux
syndicats des salariés qu’ils doivent renoncer à toute mesure d’augmentation salariale jusqu’à des
jours meilleurs ».
Que ce soit par les obligations associatives ou par la dispersion du patrimoine, les solutions qui nous sont
imposées n’auront qu’un seul effet : nous sortir du service public et abandonner nos missions historiques au
service des travailleurs les plus fragiles et les moins qualifiés, notamment ceux sans emploi.
Qu’il s’agisse des 110 millions d’obligations associatives ou bien des Baux Emphytéotiques Administratifs,
SUD FPA ne voit aucune raison de se réjouir des « bienfaits » de ce gouvernement.
Bien que la bête soit moribonde, l’État entend bien pomper, jusqu’à la dernière goutte, les forces et
les moyens de l’AFPA. Mais avec l’apparence de vouloir la sauver. « Gardez moi de mes amis » comme
disait l’autre. L’important pour sauver les apparences est de tenir jusqu’aux prochaines lois de
décentralisation (l’acte III de la décentralisation doit être discuté en mars), ensuite, le Premier
Ministre aura tout loisir de dire que la formation des chômeurs n’est plus une affaire d’État, que ça ne
le concerne plus. Nous ne laisserons pas faire sans réagir.
Épisode à suivre : Conséquences sociales et Conseil d’Orientation.
1 Yves Barou a précisé à l’époque au CCE qu’il menaçait de ne pas signer les baux si l’État était trop gourmand, qu’il ne
sortirait pas le stylo.
2 Modèle de clôture variable en fonction du règlement du Plan Local d’Urbanisme
3 Coût moyen de location pratiqué par ADOMA : 400 € / mois et par chambre
4 Tous les centres AFPA sont à vocation nationale. Ce sont
uniquement les politiques régionalistes des lois de
décentralisation qui interdisent aux stagiaires de se former
hors de leur région, quand bien même les candidats sont
mobiles et prêts au sacrifice du confort qu’apporte le
retour quotidien dans les pénates.
5 Date de l’audience de conciliation au TGI de Bobigny, où
la direction de l’AFPA va certainement accepter le
protocole d’austérité en échange de l’autorisation de
découvert. Scénario à la grecque, dont le président Barou
disait il y a encore à peine 3 mois qu’il n’en était pas
question. Le changement d’avis, c’est maintenant (?).
6 La fourchette 15 à 20 millions d’euros de frais bancaires
annuels a été confirmée par le directeur financier en
Commission économique du CCE le 30 janvier 2013.