Une subvention nationale pour la formation qualifiante des adultes reste plus que jamais un devoir de l’Etat

En bientôt 3 ans aucun chantier fondamental de l’AFPA n’a avancé. L’activité a régressé, le problème immobilier n’est pas résolu et faute de garanties et de financement bancaire, les investissements ont été repoussés. Les seuls objectifs atteints, et même dépassés, sont les réductions d’effectifs et le gel des salaires ! Sur les 3 derniers mois (novembre 14 – janvier 15), comparé à la même période l’année d’avant, l’AFPA perd encore 10% de production mensuelle par manque de financements et court à la catastrophe.

 L’AFPA, usée jusqu’à la trame, avec un personnel démotivé, se trouve obligée de renégocier son plan de redressement financier, (c’est l’acte 2 du plan de refondation ..). La direction de l’AFPA demande à l’Etat de la trésorerie (150 M € de prêts avec intérêts très élevés), la dévolution d’une partie de l’immobilier ainsi qu’une circulaire pour que les régions soient obligées de subventionner l’AFPA pour l’accès à l’emploi des stagiaires. Ce qui a fortement déplu à l’ARF[1] ! Qui répéte, de communiqué en rencontre avec l’intersyndicale AFPA[2], que la loi interdit le fléchage de la commande publique…

 D’une part, la loi peut être changée. Par exemple, les lois de 2004 peuvent être abolies et la formation professionnelle peut redevenir la compétence de l’Etat, ce que SUD FPA réclame avec le retour d’une subvention nationale. Il suffit d’un peu de courage politique. D’autre part, ce sont bien les régions qui ont voulu la décentralisation et ses moyens et fait voter la loi. Quel est donc leur bilan de 10 années de gestion de la formation professionnelle ?

Toutes les régions ou presque, quel que soit le régime de mise en concurrence, ont réduit le nombre d’heures des parcours de formation, ont fait baisser les prix horaires…De nombreuses régions ne financent plus la restauration, ni l’hébergement des stagiaires. Dans de nombreuses régions le suivi psychopédagogique des stagiaires n’est plus assuré. Le suivi médical est rarissime.

 Les régions ont ciblé de manière extrêmement restrictive les publics ayant accès aux formations, elles ont limité l’offre de formation et les niveaux de compétences visés. Les politiques d’appel d’offres des régions ont mis la pression sur la qualité pédagogique en favorisant l’emploi de formateurs précaires et non de profils expérimentés et sur la qualité de plateaux techniques et des moyens, en rendant l’investissement impossible faute d’horizon.

 Les régions ont voulu réinventer seules les fondamentaux et se sont immiscées dans le travail d’orientation et de formation. Les régions ont perdu – et fait perdre à d’autres- beaucoup de temps et d’argent ces dernières années. Les régions ont empêché le personnel de l’AFPA, entre autres, de faire un travail de qualité. Elles sont devenues un facteur majeur de risques psychosociaux pour les personnels.

 Bilan : les régions ont mené des politiques qui ont fait passer la formation professionnelle d’une logique de qualification, permettant l’acquisition d’un statut et la promotion sociale, à une logique de bout de compétences où la force de travail est formatée à faible prix aux besoins des entreprises locales.

 

Et les régions de préconiser la poursuite de cette politique : l’AFPA entre autres doit continuer à développer des pédagogies différenciées”, « pour saisir les nouvelles opportunités de chiffre d’affaires au titre du compte personnel de formation » Toujours la même logique de bouts de compétences !

 

 L’ARF préconise que l’AFPA modernise ses plateaux techniques ! Avec quels moyens ? Ceux que les politiques court termistes et adéquationnistes des régions lui donnent ? Avec le Programme d’Investissemnt d’Avenir ? Pour quelles formations et financées par qui ?

 

 Ce dont ne parle pas l’ARF ? L’accès républicain de tous les citoyens à l’ensemble des formations régionales. Le décret d’application qui garantit un premier degré d’accès constitutionnel n’est toujours pas paru ! Les conditions de formation et d’hébergement des stagiaires en provenance d’autres régions ne sont pas encore rendues publiques…! Les régions ont érigé des barrières réservant l’accès à leurs ressortissants. Cet accès des stagiaires contribuait à l’activité des centres et au partage des moyens et il favorisait l’accès à l’emploi des stagiaires en étendant le périmètre des bassins d’emploi.

 

L’Etat ? Il donne le coup de grâce ! Rebsamen vient d’annoncer des mesures[3]. La destruction est à l’oeuvre. Chaque chômeur ayant un projet de formation éligible au CPF[4] aura droit à 100 H, complétable par Pôle Emploi et les Conseils Régionaux…Un budget de 220 Millions € du FPSPP, est prévu pour 2015. De quoi saupoudrer 220 000 chômeurs de quelques bouts de compétences !

 

Le ministre du travail affirme même que “les conseillers Pôle Emploi pourraient prescrire de manière simple des formations vacantes à l’AFPA, à la manière des plateformes web de réservation « dernière minute » pour les billets de train ou d’avions donnant accès à des prix préférentiels !” Et il poursuit : “l’AFPA met au point une offre de mise à disposition pour un coût forfaitaire réduit[5] les places restant disponibles dans les modules de formation de premiers niveaux d’employabilité : afin d’optimiser le taux de remplissage de ces formations.”

 

SUD FPA l’a écrit récemment[6] : le président Barou veut des formations pour pauvres fabriquées par des pauvres ! On y est : Barou pratique le low-cost, Rebsamen le veut maintenant à grande échelle !

 

La formation qualifiante pour adultes est considérée comme superflue, voire nuisible, en ces temps de chômage… Les régions et l’Etat ont comme projet commun de la liquider. Les patrons ont droit à 40 Milliards d’Euros, la “formation” des chômeurs à 220 Millions !

 

 Liquider la formation qualifiante ? Soit! Mais on porte aussi atteinte gravement à :

 

          la promotion sociale (tout sera joué ou presque pour toute la vie dès l’école)

 

          la prévention et la conversion sauf par déclassement

 

          Les politiques d’égalités et de non discrimination (origine, handicap, sexe, âge,…) vidées d’une grande partie de leurs substances, les politiques de la ville et des quartiers de même

 

          les mobilités interrégionales pour les salariés

 

          ….et….le professionnalisme….

 

“Si un tournant n’est pas pris, si le professionnalisme ne se développe pas, la France n’a pas d’avenir.” [7]

 



 

[1]Assemblée des Régions de France

[2]le 04/02/2015 au siège de l’ARF.

[3]Conférence de presse du 09/02/2015. texte disponible sur le site du Ministère du Travail.

[4]CPF = Compte personnel de Formation FPSPP=Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels

[5]C’est SUD qui souligne

[6]Voir sur le site sudfpa.net l’article “Yves Barou, arrêt sur images”

[7]Yves Clot, professeur au CNAM, lors de la table ronde sur les conditions de travail à l’AFPA le 07/12/2012

24 février 2015 9:30 Publié par